Le 24 mai 2022
L’Ascension du Seigneur : devenir missionnaire dans l’absence et la présence
Vous l’avez entendu dans l’Évangile de saint Luc : l’Ascension est une invitation à sortir et à bénir! Sortir pour quoi faire? Pour « proclamer la conversion à toutes les nations », dit Jésus, et pour que la bénédiction qu’il accorde à ses disciples (au moment où il monte vers le ciel), nous donne en même temps la grâce de devenir nous-mêmes bénédiction pour tous ceux et celles qui entendront la Bonne Nouvelle. Le mot « bénédiction » vient du latin « benedictio » ou « bene dicere » qui se traduit par : « dire du bien »; mais la bénédiction de Jésus va bien plus loin que les simples paroles : elle a aussi le pouvoir de « faire du bien »… et à ceux qui entendent cette proclamation à la conversion, et à ceux mêmes qui la proclament.
Évidemment, nous ne sommes pas tous appelés à imiter les apôtres qui sont envoyés proclamer cette Bonne Nouvelle jusqu’aux confins de la terre; mais cette mission s’adresse néanmoins à tous les disciples du Seigneur, car tous, nous avons été investis par la force de l’Esprit Saint au moment de notre baptême. Chacun de nous par conséquent, selon la vocation qui lui est propre, est appelé à continuer la mission d’évangélisation, de bénédiction et de libération du Christ rédempteur. Les apôtres le font plus souvent qu’autrement de façon explicite; nous, nous le faisons surtout de façon implicite, tel un levain que l’on insère dans la pâte, et qui lentement mais sûrement, la fait lever en temps voulu et la prépare à recevoir le feu du four qui la transformera plus tard en un pain savoureux et délicieux.
Vous devinez ici que cette analogie a pour but de mettre en relief le rôle de l’Esprit Saint, véritable feu divin qui à la fois élève nos cœurs vers les réalités d’en-haut et ce faisant, brûle progressivement nos péchés qui nous éloignent si facilement de Dieu. En agissant mystérieusement dans les profondeurs de notre âme, petit à petit, l’Esprit nous transforme, nous sanctifie et nous rend agréable à Dieu, telle l’odeur d’un parfum exquis, et nous conforme de plus en plus à l’image de notre Dieu créateur.
Si l’Ascension de notre Seigneur Jésus nous invite à sortir pour annoncer la Bonne Nouvelle et à devenir bénédiction pour autrui, elle nous entraîne du même coup à comprendre que notre séparation physique avec Jésus, depuis le jour de l’Ascension, était nécessaire pour trois raisons: d’une part, Jésus voulait que ses apôtres désirent ardemment recevoir l’Esprit Saint avant de leur accorder une telle grâce. La crainte d’être emprisonné comme leur Maître ou de mourir comme Lui leur faisait comprendre la nécessité de recourir à la protection et à la force de Dieu.
Deuxièmement, c’est parce que son absence physique devait stimuler notre désir de le retrouver un jour au ciel, tout en nous incitant à travailler avec plus de ferveur aux œuvres de salut et à rechercher les vertus célestes qui nous ouvriront un jour les portes du ciel.
Enfin, une troisième raison qui expliquerait le fait qu’il devait se séparer de nous, c’est qu’avant de nous envoyer l’Esprit Saint, il fallait d’abord que Jésus remonte au ciel et qu’il présente à son Père le trophée de sa victoire contre Satan et sur la mort : je parle de notre nature humaine qu’il a assumée et sacrifiée afin de nous réconcilier avec le Père, et qu’il pouvait désormais introduire pour toujours dans le cœur de la Sainte Trinité. Une fois cette alliance consommée, le Père et le Fils pourraient maintenant nous envoyer l’Esprit d’Amour et nous revêtir de ses sept dons divins.
En conclusion de cette réflexion en la fête de l’Ascension de Notre Seigneur Jésus, rappelons-nous que durant toute sa vie terrestre, Jésus a toujours eu présent à l’esprit son départ. Il fait tout pour préparer ses amis à l’absence qui suivra l’achèvement de sa mission terrestre. Voyez par exemple comment il s’esquive, s’en va ou se dérobe après avoir accompli des miracles, des discours et des guérisons. Après son entrée triomphale à Jérusalem, Jésus les quitte et se cache loin d’eux (Jn 12, 13.36). Jésus vient vers nous, mais il s’en va aussi. Notre relation avec Lui est souvent mise à l’épreuve, et son absence, bien qu’elle nous attriste de temps à autre, provoque souvent notre désir de le retrouver et fait grandir notre foi et notre confiance en Lui. Le livre du Cantique des Cantiques nous met sur la piste d’un jeu amoureux que l’époux exerce avec sa bien-aimée, afin d’enflammer son désir de le retrouver. L’Ascension de Notre-Seigneur semble s’inscrire également dans ce mouvement mystérieux de l’amour divin qui s’absente afin de purifier et attiser la flamme de sa bien-aimée, cette Épouse que le Christ s’est unie par le sang de sa Croix.
Désirons l’Esprit Saint, chers(ères) amis(es). Attendons sa venue dans la prière et le jeûne. Invoquons-le souvent. Que Marie notre Mère soit invitée à prier régulièrement avec nous : individuellement, dans nos maisons ou dans nos lieux de rassemblements. N’est-elle pas l’Épouse de l’Esprit Saint, comme le dit la sainte Église catholique, celle qui fut comblée de grâces depuis sa conception bienheureuse? Comblée non pas pour elle-même, mais comblée pour nous aimer et nous secourir, nous qui avons tant besoin « en cette vallée de larmes », du secours et de la force du Dieu vivant qui nous aime infiniment! Avec Marie et par l’envoi de l’Esprit Saint qui nous revêt de sa force, nous serons parfaitement armés pour affronter les nombreux ennemis qui se présentent sur notre chemin.
D’ici la grande fête de la Pentecôte, désirons et attendons avec patience et confiance la venue de l’Esprit Saint, Lui qui nous revêtira de sa force et qui nous fera comprendre comment Jésus est réellement et mystérieusement présent au plus profond de nous, même s’il fait parfois sentir son absence.
Bonne fête de l’Ascension à chacun et chacune de vous!
Votre frère en Jésus rédempteur,
+Guy Desrochers, C.Ss.R.
Évêque de Pembroke