Depuis notre création dans le sein de notre mère, notre corps a été soumis à une série de lois et de nécessités qui incombent à notre survie, depuis notre naissance que nous n’avons pas choisie jusqu’à la mort qui s’ensuivra immanquablement; notre besoin de manger, de boire, de dormir et de contribuer à la survie de notre espèce; la loi de l’évolution de notre corps et de notre intellect; la nécessité d’entrer en relation et de dépendre de nos parents et du monde; la nécessité de suivre des lois morales, familiales, municipales, politiques ou sociales pour notre bien propre et pour le bien commun; les lois de la science et de la physique; l’impossibilité d’échapper à l’expérience de la souffrance, de la peine, de l’amour, de la joie; la nécessité de communiquer en paroles ou par signes, et selon la culture ambiante qui nous impose sa langue, ses habitudes, ses modes et ses goûts; et j’en passe.
Bien qu’incomplète, cette liste de lois, de nécessités ou de contraintes, nous amène à redéfinir notre notion du libre arbitre ou de notre véritable liberté. Après avoir entendu cette longue nomenclature, pouvons‐nous encore affirmer que nous sommes vraiment libres ? Sommes‐nous vraiment maîtres de notre destinée ? À ces interrogations, je réponds : oui et non. Je m’explique.
Disons premièrement que nous pouvons certes influencer notre destinée par nos libres‐choix. Et que ces choix que nous faisons tout au long de notre vie nous façonnent, pour le meilleur ou pour le pire, et peuvent contribuer à qualifier notre personnalité et nos possibilités d’épanouissement et d’accomplissement de nos rêves. Il suffit de nous comparer à n’importe quelle espèce animale pour comprendre que notre intelligence est supérieure et que notre capacité d’exprimer et de verbaliser nos pensées nous permettent de devenir plus humain, plus connaissant et plus sage, plus compatissant et capables de transmettre à d’autres nos connaissances, d’inventer et de travailler de mille et une façon à l’amélioration de notre monde. Mais encore là, nous n’avons pas vraiment le choix que d’entrer dans ce processus évolutif et relationnel. Sinon, nous devenons comme les animaux ou autres organismes vivants qui se voient de combien limités par les 1 prédéterminismes de leur nature.
Qu’est‐ce que la liberté au fond ? Comment pourrions‐nous la définir pour éviter les dérapages et les fausses manières de l’interpréter qui ont conduit à engendrer plus de torts que de bien. Voici l’exemple d’une fausse notion de liberté qui peut causer de grands maux : « Faire ce que je veux, quand je veux ! » Ah bon ! Et si je décidais de prendre ce qui ne m’appartient pas, de mentir à tout moment, de violer ou de commettre l’adultère, de tuer ou de condamner injustement ? Ces choix ne conduiront‐ils pas à des effets ou à des conséquences indésirables, voire extrêmement désagréables à court ou à long terme ? Évidemment !
Choisir de défier les lois que Dieu lui‐même impose à toute sa création, entraîne toujours des conséquences néfastes. Cette défiance présuppose l’idée présomptueuse que nous avons autant d’intelligence et de sagesse que Lui. Pourtant, à titre d’auteur de toute sa création, n’est‐il pas seul à voir et comprendre à la fois la complexité et la simplicité de notre univers, de l’infiniment grand à l’infiniment petit ? La défiance et la présomption de l’homme peut même devenir catastrophique pour le bien commun et pour le bien de la planète : il suffit de mentionner les abus et les exploitations de toutes sortes que nous faisons subir à la Terre, parce que nous sommes souvent mus par un sentiment démesuré d’orgueil ou par un désir exagéré de posséder, de jouir ou de dominer.
Venons‐en au point : qu’est‐ce que la véritable liberté ? Serait‐ce un vulgaire mot trop usé et qu’on utilise à toutes les sauces, ou une simple illusion qui fait surface quand une personne ou un groupe se voient opprimés de quelque manière ? Pourquoi rêvons‐nous tous de liberté et d’autonomie ? Plusieurs gourous ou philosophes ont tenté de répondre à cette énigme au cours des siècles.
Aujourd’hui, je veux vous partager une grande joie. J’ai trouvé la réponse à cette énigme ! Oui. Cher ami, l’unique et vraie réponse se trouve en Dieu lui‐même ! Elle commence par un choix personnel, une décision ferme de Lui ouvrir toute grande la porte de notre cœur. Ainsi commence une relation interpersonnelle et vivifiante avec la Sainte Trinité, qui seule peut nous procurer la vraie liberté intérieure que nous recherchons tous.
Cette ouverture du cœur permet au Père, au Fils et à l’Esprit d’établir leur demeure au plus profond de nous. (Jn 14, 23) Ce « oui » à Dieu se veut en fait un acte d’obéissance à la volonté de Dieu, car il s’oppose au « non » qu’Adam et Ève ont exprimé à Dieu en refusant de lui obéir. À partir de ce moment, ils ont découvert qu’ils étaient « nus », c’est‐à‐dire misérables et esclaves de leurs désirs de posséder, de jouir et de dominer. Autrefois on enseignait dans les écoles que ces trois éléments se nomment « concupiscences ». Notre époque moderne ne fait malheureusement presque plus mention de ce mot ou de cette réalité.
Au commencement de la création, Dieu a déposé ces dons en l’homme pour l’aider à se perfectionner davantage, pour qu’il devienne de plus en plus divin et conforme à la ressemblance de Dieu. Désormais perverties par l’absence de Dieu au fond de son cœur, cela conduit à la perte quasi totale de sa capacité de choisir entre le bien et le mal : choisir de faire le mal au lieu du bien devient plus facile, disons plus « naturel », car sans la présence de Dieu, la véritable liberté disparaît, ou plutôt se voit recouverte d’ordures et de boue. Il faudra un grand miracle pour la retrouver! Et c’est précisément pour accomplir ce grand miracle que le Verbe est descendu du ciel en devenant chair et esprit comme nous, afin de nous libérer tout entier des conséquences de la faute originelle.
Avec notre collaboration, Dieu peut désormais entreprendre le long processus de rénovation et de transformation de notre cœur et de notre âme. Celui‐ci consiste à nous dépouiller de tous les esclavages et dépendances qui ont autrefois éloigné Adam et Ève de Dieu et mené à la perte de notre véritable liberté intérieure. La grande sainte Thérèse d’Avila appelle cela le cheminement vers « l’union transformante » de l’âme en Dieu. Belle définition pour décrire ce processus de libération qui aboutit à la sainteté de la personne, et à laquelle nous sommes tous appelés, quels que soient notre métier, notre personnalité ou nos fragilités.
Chers frères et sœurs, il nous faut cependant être patients, très patients ! Car la purification et le polissage de notre volonté et de notre intelligence par l’action transformante de Dieu, qui incluent également nos émotions, nos désirs et nos affections humaines tordues ou déséquilibrées par suite des conséquences néfastes du péché des origines, sont un long processus qui nécessite de fréquents « oui » à la volonté de Dieu. Plus nous Lui prouvons notre désir d’être totalement unis à Lui par les moments de prière intime que nous prenons régulièrement, en Lui cédant amoureusement notre volonté propre dans les petites choses qui nous dérangent et en témoignant de charité envers le prochain, plus Il sera capable de nous transformer et de nous diviniser. L’union de volonté avec celle de Dieu éclaire, nourrit et prépare le chemin qui mène à la véritable liberté intérieure de l’homme. Voilà pourquoi Jésus a affirmé : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie, » (Jn 14, 6) et « la vérité vous rendra libres. » (Jn 8, 32)
Poursuivons notre réflexion : la vraie et divine liberté qui nous est proposée par le Christ apparaît très différente de celle que nous concevons avec nos pensées humaines et que nous exprimons en paroles. Cette première est tout intérieure et se présente comme un bonheur profond, comme une paix surnaturelle qui provient uniquement de l’union de Dieu avec sa créature. La vraie liberté se veut par conséquent à l’antipode des définitions et des conceptions humaines qui ne tiennent pas compte de la grâce sanctifiante de Dieu au plus profond de l’âme. Elle n’est pas le fruit d’un effort humain ou d’une connaissance philosophique ou ésotérique, mais résulte plutôt d’une ouverture à la présence de Dieu en nous. On parle ici de soumission. Mais attention !
Je parle ici d’une soumission amoureuse, assumée ; et non pas d’une soumission servile ou immature. Par analogie, cette première s’apparente à la décision qu’un homme et une femme prennent lorsqu’ils ressentent une attraction l’un pour l’autre. Lorsqu’ils choisissent de se revoir, c’est parce qu’ils espèrent se connaître davantage, et cette connaissance éclairée peut faire naître à son tour un amour de plus en plus fort et authentique. Par la suite, la relation d’amour engendre tout naturellement des sentiments de sécurité et de bonheur intérieurs qui s’apparentent sensiblement à la véritable liberté que le Christ nous accorde en s’unissant à nous. Cette forme de liberté ou de bonheur intérieur que les amoureux ressentent l’un pour l’autre suppose en même temps une soumission mutuelle de leurs volontés.
Encore une fois, j’emploie le mot soumission, mais je parle en fait d’une soumission joyeuse, parce qu’à deux, même si on s’aime, on ne peut pas toujours faire notre volonté propre : on doit souvent en arriver à faire des compromis ou des sacrifices ; parfois des capitulations ou acceptations à la volonté de l’autre. Le véritable amour cherche toujours le bonheur de l’autre avant le sien. Et c’est un désir qui doit être réciproque ! Par conséquent, dans la nature même de l’amour authentique, la soumission doit avoir une place d’honneur. Sans cette dimension essentielle, l’amour devient fragile et ses jours sont comptés.
Si vous avez bien suivi mon raisonnement, vous comprenez maintenant pourquoi le Christ qui est l’auteur de la vraie liberté est demeuré humainement et divinement si obéissant à la volonté du Père jusqu’à la fin de sa vie. Sa profonde soumission (amoureuse) aux volontés de son Père, fondée sur cet Amour infini qui les unit et qui nous unit à Lui, l’a mené librement à accepter et à offrir, sans se plaindre, les plus cruels tourments qu’il a endurés jusqu’à sa mort sur la Croix. Amour et obéissance (soumission) vont de pair ! C’est pourquoi l’auteur de l’épitre aux Hébreux écrit : « Bien qu’il soit le Fils, il apprit par ses souffrances l’obéissance et, conduit à sa perfection, il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent la cause du salut éternel. » (He 5, 9)
Invoquons la grâce de la docilité amoureuse aux volontés du Père et à celles des êtres que nous chérissons. Suivons l’exemple de Jésus, en unissant notre volonté à celle de Dieu et apprenons à Lui offrir les événements que notre volonté a tendance à repousser si naturellement. Qu’il ouvre nos yeux sur les petites croix qui se présentent souvent de façon imperceptible durant la journée, et que nous oublions d’offrir avec amour et soumission pour la plus grande gloire de Dieu.
Cher disciple de Jésus, que toutes nos pensées, nos actions, nos désirs et nos motifs deviennent ceux de Jésus. Demandons cette grâce dès le réveil matinal. Demandons là plusieurs fois durant la journée. Et alors, tout deviendra lumière et occasion d’exercer la divine vertu de l’obéissance, qui en retour contribuera à nous sanctifier tout en sauvant les âmes des plus nécessiteux.
Marie si obéissante à la volonté de Dieu, enseigne‐nous la vertu de la divine obéissance qui nous rendra vraiment libres et saints !