Savons‐nous vraiment prier… dans l’Esprit Saint ?

Quand j’étais petit, ma mère m’a appris à prier : par ses enseignements, par des invocations, des formules, des supplications, des remerciements ou des louanges, elle m’indiquait le chemin pour entrer en contact avec Dieu. En famille, à l’école, à l’église ou en privé, j’avais appris à réciter des paroles par cœur que je pouvais adresser à Dieu. À cette époque, je croyais que je savais prier. Mais l’avenir me réservera des surprises !

À l’âge de 14 ans, les prières apprises par cœur prenaient le bord ! Les changements sociaux et culturels des années ’70, à tendance hédoniste, agnostique ou athéiste m’avaient séduit et éloigné de Dieu et de son Église. L’absence de Dieu me donnait désormais le droit de faire ma propre volonté et de ne plus me culpabiliser pour les choses considérées auparavant immorales, selon la loi divine. La prière ne faisait plus partie de ma vie, et pendant les dix prochaines années, je ferai désormais partie du club des incroyants.

À l’âge de 24 ans, devant l’imminence de perdre mon père lors d’une grave opération à cœur ouvert, j’entendais une voix me dire de lire la Bible que ma mère m’avait donnée l’année précédente. Par deux fois, je refusais d’écouter cette voix. Mais la troisième fois, pris de désespoir, je cédais et commençais à la lire. Après seulement deux semaines de lecture assidue et de réflexion, je commençais à croire en l’existence de Dieu. Je le sollicitais pour des intentions particulières, et surprise!… Il me répondait en m’accordant ce que je Lui demandais ! Je ressentais qu’Il était proche de moi et de ceux qui l’aiment et désire faire sa volonté. Je découvrais que ce Dieu aimant et miséricordieux était très différent de celui dont je m’étais fait une vague impression durant ma jeunesse. Quelle découverte bouleversante : un Dieu qui nous aime intensément et personnellement, pas seulement d’une façon générale ou intellectuelle ! Pour être franc, je n’avais jamais auparavant parlé ou prié Dieu avec cette conviction intérieure et avec autant d’affection.

Cette expérience de conversion m’a amené à m’interroger sur la façon dont nous prions. Quand nous Lui adressons nos prières, sommes‐nous en relation avec Lui de façon personnelle et en nous sachant véritablement aimés de Lui? Faisons‐nous nos prières de façon mécanique ou routinière, avec des formules et paroles apprises par cœur ? Ou sommes‐nous en présence d’un Dieu vivant, aimant et miséricordieux qui nous aime tous de façon personnelle ?

Les temps de crise que nous vivons avec la COVID‐19 nous conduisent à une période de confinement pour le bien de tous. Mais ce temps nous permet aussi d’apprendre à communiquer davantage et avec plus de compassion et d’affection avec nos proches ou avec les gens plus vulnérables qui se sentent isolés, malades ou mourants. Cette façon de communiquer avec plus de créativité, d’écoute et d’empathie, et avec plus d’affection, est une occasion en or pour développer une relation plus personnelle avec Dieu. La façon dont nous prions Dieu peut nous donner une tout autre perspective sur la situation difficile que nous vivons. Pour en arriver là, nous devons apprendre à prier de la bonne façon, quelles que soient les dévotions que nous privilégions, ou encore du temps que nous prenons dans nos temps de prière.

Regardons d’abord ce que nous dit Jésus dans les Évangiles : « Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » (Mt 6, 7) La prière n’est donc pas une question de quantité de mots ou d’interventions que nous adressons à Dieu en vue d’être exaucés. C’est plutôt une question de foi, de conviction de cœur et de confiance en son Amour et sa Miséricorde. Mais comment faire pour en arriver là ? Voici la piste inspirée que nous livre la grande Sainte Thérèse d’Avila : « Prier c’est converser familièrement avec Dieu dont on se sait aimé. » Voilà le secret d’une prière authentique et que Dieu entend à coup sûr : prier, c’est converser, c’est‐à‐dire dialoguer avec Dieu.

Dialoguer suppose à la fois savoir parler et écouter. Pas seulement parler, comme nous sommes si naturellement portés à le faire en groupe ou de façon individuelle; mais écouter. Autrement, nous sommes des monologuistes. Ou parfois, pendant qu’une personne parle, nous pensons plutôt à ce que nous allons dire afin de la convaincre, de nous défendre ou encore pour l’impressionner. C’est exactement le contraire d’une écoute empathique qui seule peut nous faire grandir mutuellement. La prière doit se modeler sur cette façon affective de communiquer avec autrui. Prier, ce n’est pas seulement parler à Dieu : c’est apprendre à l’écouter avec attention. Et je dois avouer que c’est le plus grand défi qui guette les chrétiens et les croyants de tout acabit. Nous savons parler, demander, supplier, rendre grâces. Mais nous ne savons pas écouter Dieu convenablement, Lui qui nous parle et qui nous écoute avec tant d’attention et d’affection.

Comment faire pour l’écouter ? La réponse est toute simple : vous voulez entendre la Parole de Dieu d’une façon toute personnelle ? Ouvrez la Bible, lisez‐la et surtout, réfléchissez quelque temps aux paroles divines que vous venez de lire. Cette réflexion s’appelle « méditation » ; moment où la Parole de Dieu peut pénétrer et transformer nos cœurs et nous rendre présents à la présence de Dieu qui vit au fond de notre âme. C’est dans ces moments d’écoute de la Parole que nous pouvons comprendre ou même entendre les inspirations de Dieu. Pour apprendre à « dialoguer » avec Dieu, il faut apprendre à se taire et à écouter après avoir parlé. Si nous parlons constamment, nous n’entendrons jamais la voix de Dieu, car il est bien trop respectueux pour nous couper la parole pendant que nous parlons.

Apprenons à garder des moments de silences dans nos temps de prière, soit en réfléchissant, ou simplement en regardant affectueusement une belle image de Jésus ou de Marie, comme nous le faisons quand nous adorons Jésus au Très‐Saint‐Sacrement.

Quand nous récitons le chapelet, apprenons à faire silence avant ou après la dizaine de chapelet, en méditant le mystère de la vie de Jésus qui nous est proposé. Si vous voulez, vous pouvez également ralentir un peu la cadence en réfléchissant aux paroles du Notre‐Père ou du Je vous salue Marie pendant que vous les récitez « par cœur », afin de vous mettre davantage en présence de Dieu et de Marie. Une autre façon de réciter pieusement le chapelet, est d’essayer de méditer le mystère proposé tout en disant les Notre Père et les Ave. Cela demande un peu plus de concentration et d’imagination, mais c’est une excellente façon de combiner à la fois les deux dimensions importantes de la véritable prière du cœur qui se veut dialogue.

Les moments de silence ou de méditation que nous prenons en priant, contribuerons ainsi à donner une dimension beaucoup plus personnelle à nos récitations ou dévotions que nous faisons trop souvent de façon mécanique et routinière. Et ils permettront à Dieu de nous parler à son tour, pas seulement de nous écouter. Donnons‐lui ce temps important pour qu’il puisse nous parler et nous révéler la profondeur de son amour. Rappelons‐nous enfin que Jésus est la « Parole » de Dieu. Une Parole vivante qui doit parler afin d’être écoutée et aimée ! Comment entendre cette Voix si nous parlons sans arrêt dans nos moments de prière ?

Prenons Marie pour modèle de dialogue dans la prière : elle connaît mieux que nous la valeur d’une écoute attentive de la Parole de Dieu qui prend sa source dans un dialogue affectueux avec ce Dieu « dont elle se sait aimée. » Nul doute que la prière de notre Sainte Mère est véritablement une prière « dans l’Esprit Saint, » parce qu’elle Lui donne l’occasion de parler et de prier Lui‐même en elle. Dans l’épitre aux Romains, saint Paul nous révèle indirectement sur la nécessité de l’écoute attentive dans la prière : « L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas prier comme il faut. L’Esprit lui‐même intervient pour nous par des cris inexprimables. Et Dieu, qui voit le fond des cœurs, connaît les intentions de l’Esprit : il sait qu’en intervenant pour les fidèles, l’Esprit veut ce que Dieu veut. »

Si nous désirons vraiment inviter l’Esprit Saint à venir prier en nous, il nous est impératif de Lui donner du temps pour écouter sa Voix. Et c’est une excellente façon d’éviter de tomber dans le piège des païens qui s’imaginent qu’à force de mots, ils seront exaucés. C’est le type de prière que je nous souhaite à tous.

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