La prière nourrit et fait grandir la foi, car prier, c’est aimer. Dans une chronique précédente, nous avons déjà eu l’occasion de démontrer comment la prière d’intimité avec Dieu nourrit et fait grandir notre foi. Aujourd’hui, je vous présente le récit assez inusité d’une rencontre providentielle vécue avec un jeune homme de 18 ans du nom de Simon.
Ce témoignage nous confirmera l’importance de « veiller et de prier pour ne pas entrer en tentation », comme l’enseigne notre divin Maître par la plume de l’évangéliste saint Matthieu, « car l’esprit est ardent, mais la chair est faible. » (Mt, 26, 41)
En 1992, par un beau matin ensoleillé, j’achevais la célébration de la messe avec les fidèles dans une petite paroisse dont j’avais la charge. J’aperçois au loin un jeune inconnu qui se dirige vers moi. Arrivé tout près de moi, il me regarde d’un air moqueur et me dit de façon un peu prétentieuse: « Alors, vous êtes un prêtre? » Du tac au tac, je lui réponds en lui affichant un grand sourire : « Mais comment diable as-tu pu deviner une telle chose? » Au fond, je voulais le faire rire, car je portais le collet romain, et n’importe qui aurait pu deviner que j’étais prêtre.
Il me confia qu’il s’appelait Simon, et s’empressa de me dire qu’il était athée. Il ne croyait ni en Dieu, ni au diable. Et il ajouta : « Tous ceux qui croient en Dieu sont des faibles! Ils ont besoin d’une béquille pour s’appuyer sur quelque chose, sur n’importe quoi! Moi, je crois seulement en ce qui est visible. Je ne crois pas en l’invisible. »
J’ai eu le réflexe de lui répondre aussitôt: « Si j’ai bien compris, tu crois seulement à ce que tes yeux sont capables de voir. Tout le reste n’existe pas pour toi. Alors, dismoi, Simon. As-tu déjà vu de l’intelligence se promener sur la rue? Selon ton affirmation, tout ce qui est imperceptible par les sens n’existe tout simplement pas. Réalises-tu que cela signifie que tu n’as pas d’intelligence, puisqu’on ne peut la voir? »
« Et en plus, parce que tu refuses de croire dans l’invisible, tu es en train d’avouer que l’amour n’existe pas non plus! Selon toi, il s’agit probablement d’une invention ou d’une illusion fabriquée de toutes pièces par l’homme. Par conséquent, je te pose encore la même question: as-tu déjà vu de l’amour se promener au beau milieu d’une foule? Personne n’a jamais vu de l’amour à l’état pur. On ne voit que les effets de l’amour se manifester à nos yeux. Ce qui veut dire que tu es incapable d’aimer ni de te laisser aimer. Prouve-moi le contraire, Simon! »
Pauvre Simon. Il pencha la tête et se mit à sourire bien malgré lui. Il se sentait pris dans un coin, et il ne savait plus comment sortir de cette situation embarrassante. Alors son orgueil humain refit surface. Il essayait maintenant de me convaincre que Dieu n’était qu’une invention humaine, et que les institutions religieuses avaient bien orchestré leurs machinations afin d’en arriver à contrôler les esprits et les cœurs des hommes pour leur plus grand intérêt.
Mais je ne répondis rien à toutes ses spéculations et affirmations tordues. Je le regardai droit dans les yeux et je lui dis bien candidement: « Simon, tu me ressembles tellement lorsque j’avais ton âge! Quand j’avais dix-huit ans, je croyais tout savoir. J’avais décidé de ne plus croire en Dieu parce que j’avais l’impression qu’il était un Dieu moralisateur et possessif qui n’appréciait pas les personnes récalcitrantes à ses volontés. À dix-huit ans, j’ai même dit à ma mère qu’elle s’était fait avoir et que Dieu n’existait pas vraiment. Il était le produit de la création de certains hommes qui désiraient contrôler, abuser et profiter de leurs sujets et de leurs biens afin d’en tirer des avantages ou intérêts personnels.
À bout d’arguments, ma pauvre mère ne savait plus quoi dire pour me convaincre du contraire. J’étais trop obstiné et convaincu d’avoir raison. Alors elle essaya une dernière fois de m’ébranler en disant: « Je vais prier pour toi, Guy. » Et je me suis mis à rire et je lui dis : « Bonne idée, maman, prie pour moi. Ça ne me fera pas de tort! » Si seulement j’avais su à ce moment que les prières ferventes d’une mère éplorée pouvaient être entendues et exaucées un jour par ce Dieu en qui je ne croyais plus; et si en plus j’avais cru qu’à cause de ses prières, j’obtiendrais un jour la grâce de me convertir et que je deviendrais même un prêtre, j’aurais aussitôt dit à ma mère: « Non, maman! Je t’en prie, ne prie pas pour moi! Je ne veux pas me convertir et changer de style de vie! Je ne veux pas devenir un prêtre un jour!»
Et puis tout à coup, une parole inspirée jaillit en moi : « Simon, je pourrais discuter et m’argumenter avec toi pendant des mois entiers pour te prouver que le Dieu invisible existe, mais je sais que je n’y arriverai pas. Tu es trop entêté et orgueilleux, comme je l’ai moi-même été à ton âge. Alors voici ce que je te propose: fais ta propre expérience de Dieu. Demande-lui de te prouver qu’il existe. Et si tu es sincère, il se manifestera à toi. »
À la fois surpris et piqué de curiosité, Simon me répondit d’un ton sarcastique : « Et comment dois-je procéder pour qu’il me répondre, ton Dieu invisible? » Je lui demandai alors s’il accepterait de me donner seulement quinze minutes de sa vie pour tenter une expérience qu’il n’avait jamais faite auparavant. Il me répondit par l’affirmative. Alors je lui dis : « As-tu une Bible chez toi? » Vous imaginez sa réaction? Il répondit immédiatement en m’affirmant sans équivoque qu’il ne toucherait jamais à ce livre. Et je revenais à l’attaque en lui rappelant qu’il venait tout juste d’accepter de me donner quinze minutes de sa vie.
Il poursuivit en me disant que sa blonde en avait une, mais qu’il ne toucherait jamais à ce livre. Pour illustrer davantage la complexité de la situation dans laquelle vivait Simon, je vous partage ces quelques faits: l’amie de Simon était enceinte de lui depuis quelques mois. Elle n’avait que dix-sept ans et sa mère avait accepté d’héberger temporairement les deux sous son toit, et ce, jusqu’à la naissance de l’enfant, car les deux jeunes tourtereaux n’avaient certainement pas les moyens de subvenir à tous leurs besoins.
Je continuai à l’interpeller malgré tout, en l’invitant à prendre cette Bible lorsqu’il serait tout fin seul, et à s’agenouiller pendant quinze minutes. « Commence par demander à Dieu de pardonner ton obstination à ne pas croire en Lui, lui dis-je. Puis, demande-lui de se manifester à toi et de te prouver qu’il existe vraiment. Ensuite ouvre la Bible au hasard, et met ton doigt sur le passage qui se présente à toi. Je te confirme qu’il te donnera la preuve qu’il existe et qu’il t’aime d’une façon beaucoup plus profonde que tu ne pourras jamais imaginer, parce que notre esprit confiné à l’espace-temps dans lequel nous sommes temporairement placés est trop limité pour l’instant. Ce livre n’est pas un livre ordinaire, lui dis-je. C’est un livre vivant! C’est Dieu lui-même qui a inspiré certaines personnes pour qu’elles deviennent ses porte-paroles, afin de nous révéler son amour pour nous; du même coup, il nous invite à répondre à notre tour à son amour de Père. Plus tard, des scribes ont tout rapporté les paroles de ces prophètes et ont mis par écrit tout ce que Dieu voulait nous dire, nous qui sommes à la fois des créatures humaines et spirituelles; à la fois intelligentes et capables d’aimer comme nulle autre créature.
Mais Simon redoublait d’arguments dans sa contre-attaque. Il me dit : « Moi, je suis comme l’apôtre Thomas. Si je ne mets pas mon doigt dans ses plaies, si je ne mets pas ma main dans son côté, non, je ne croirai pas. » Je lui demandai encore de me donner seulement quinze minutes de sa vie pour en faire l’expérience. Mais il refusa et s’éloigna en me citant une deuxième fois les paroles de saint Thomas. Il ne me restait plus qu’à prier pour lui, comme ma chère mère l’avait fait pour moi à mes dix-huit ans.
Une semaine plus tard, après la célébration de la messe dominicale, une dame s’approche de moi, tout émue et tremblante. Elle me dit en pleurant: « Je suis la mère d’une telle, la petite amie de Simon. Je suis venu vous dire qu’il est arrivé quelque chose à Simon. » Je m’informai aussitôt s’il lui était arrivé un accident ou quelque chose de dramatique. « Non, me dit-elle. Mais quelque chose d’extraordinaire! Simon était seul dans la maison le mercredi de cette semaine. J’étais parti avec ma fille faire des commissions au Centre d’achat à 45 minutes d’ici. Simon en profita pour aller chercher la Bible de ma fille. Puis, il s’est agenouillé et s’est mis à parler à Dieu pour la première fois de sa vie. Son colloque ne devait durer que quinze minutes. Il a commencé par lui demander pardon de son obstination à ne pas croire en Lui, et lui a ensuite demandé de se manifester à lui, si vraiment il existait! Il a prévenu Dieu qu’il lui donnerait non pas une, mais deux chances pour lui prouver qu’il existe vraiment et qu’Il l’aime. Il ouvrit la Bible au hasard et son doigt pointait sur une parole difficile à comprendre : « Les premiers seront les derniers et les derniers seront premiers. » (Mt 20, 16)
« Alors Simon s’adressa encore à Dieu, mais en lui disant qu’il ne lui restait qu’une deuxième et dernière chance pour lui prouver qu’il existait. Et il ferma la Bible, l’ouvrit de nouveau, et posa son index sur une deuxième parole. Son doigt était tombé sur le mot « doigt ». Et voici ce que la parole disait : « Avance ton doigt ici, et vois mes mains ; avance ta main, et mets-la dans mon côté : cesse d’être incrédule, sois croyant. » (Jn 20, 27) Simon fut à ce point bouleversé et renversé par cette parole qu’il conservait la Bible sur lui toute la semaine durant. Il disait à tout le monde : « C’est incroyable. Dieu existe vraiment! Ce sont les paroles exactes que j’avais dites au prêtre lorsqu’il m’avait proposé de faire cette expérience personnelle et en me disant que la Parole de Dieu était un livre vivant. Maintenant, je crois que Dieu existe! » À présent, mon père, dit la maman, Simon aimerait vous rencontrer et discuter avec vous. »
Et je rencontrai Simon la semaine suivante. Je lui fis une longue catéchèse et lui expliquai comment la prière est importante pour faire grandir la foi et entretenir notre relation d’amour avec Dieu. Je prenais l’exemple du feu dans le foyer: si on cesse d’alimenter le feu en n’y mettant plus de bois, le feu va s’éteindre et mourir. Et Simon accepta de commencer à prier et à connaître Dieu tous les jours. Sachant qu’il était un tout nouveau converti, je le prévenais aussi du fait que le démon pourrait revenir en force s’il cessait de prier. Ce dernier réussirait alors à le convaincre que son expérience n’était que le fruit du hasard et que Dieu n’avait rien à faire avec cette simple coïncidence. Je dis enfin à Simon qu’il nous faut beaucoup prier pour ne pas entrer en tentation.
Simon décida de venir à l’église tous les dimanches. Après quelques mois cependant, je ne le voyais plus à l’église! Deux semaines plus tard, il revint. La semaine suivante, Simon était encore absent; et puis je ne le revoyais plus durant un mois complet. Alors je décidai de faire une petite visite chez la jeune femme enceinte de maintenant sept ou huit mois. À ma grande surprise, elle m’avoua que son ami venait de la quitter deux semaines plus tôt! « Mais qu’est-ce qui est arrivé, lui demandai-je? » Elle m’expliqua qu’il avait fait exactement le contraire de ce que je lui avais recommandé dans nos rencontres. Il avait cessé de prier durant quelques jours, pour des raisons tout bien humaines. Puis, au fil des jours, il priait de moins en moins. Et un jour, il finit par dire qu’il n’avait plus le temps de prier, car il avait des choses plus importantes à faire.
La mère et sa fille n’en croyaient pas leurs yeux! Après avoir vécu une si belle expérience spirituelle, Simon retourna dans son monde de doutes et de suspicions. Il affirma même devant ses proches qu’il n’avait plus la foi, et que son expérience avec la Parole de Dieu n’était en réalité que le fruit d’un hasard, et que Dieu n’existait pas vraiment. Simon décidait ensuite de quitter sa copine en lui disant qu’il était trop jeune pour prendre de telles responsabilités. Vous imaginez toutes les larmes et le désarroi de son amie et de sa mère. Les mois passèrent, mais toujours sans aucune nouvelle de lui! Simon est devenu un fantôme.
J’ai eu tout de même la joie de baptiser la belle petite fille de la jeune maman. La célébration fut enregistrée et conservée précieusement. Des années plus tard, Simon n’a toujours pas donné de ses nouvelles à qui que ce soit, au grand désarroi de la jeune maman et maintenant de sa propre fille qui n’a pas eu la joie de connaître son père et de l’aimer. On me dit plus tard que la petite se sentait souvent consolée et joyeuse lorsqu’elle écoutait l’enregistrement de son baptême. J’ai toujours gardé un lien d’amitié avec la famille et l’enfant. J’ai même eu l’occasion de causer avec elle au téléphone il y a quelques années, et notre échange fut des plus cordiaux. Son cœur blessé par l’absence de son père l’a certainement marquée et blessée, mais grâce à sa foi vivante, elle a appris à trouver du réconfort tangible dans le cœur paternel de notre Dieu d’amour.
Cher lecteur, je conclus avec ces mots: je sais bien qu’il y a beaucoup de « Simon » dans notre monde et dans nos familles. Dieu se penche toutefois sur chacun d’eux et les interpelle à un moment donné, à l’exemple de mon jeune homme. Sans la prière d’intimité quotidienne avec Dieu, sans le support d’une communauté qui pratique et qui vit sa foi intensément, les « Simon » de notre monde ne pourront tenir debout longtemps. Ils ont besoin de plus en plus de nos prières et de notre exemple de vie chrétienne pour les interpeller à revenir vers Dieu.
J’ai envie de jouer un tour à mon ami Simon. Un bon tour qui pourra peut-être un jour le faire revenir à la foi chrétienne et lui donner de renouer avec sa femme et sa fille peut-être: je vous demande de prier avec moi pour notre frère Simon. Prions ensemble pour tous les « Simon » qui vivent au cœur de nos familles ou dans notre entourage. Faisons nôtre les paroles de ma chère mère qui me disait à l’aube de mes dix-huit ans: « Je prie pour toi, Guy! »
Merci de porter avec moi dans vos prières tous ces gens qui se disent athées ou qui se sont éloignés de Dieu sous toutes sortes de prétextes. Croyons que le Dieu de l’impossible les rejoindra un jour et les ramènera dans son cœur de Père. Même s’ils s’opposent à nous, même s’ils se moquent de nous, prions pour leur conversion et prions surtout pour qu’ils persévèrent dans la prière une fois convertis. Sinon, Satan s’en donnera à cœur joie pour les convaincre de l’inutilité de la prière et de la vie sacramentelle. La prière d’intimité avec Dieu est une véritable armure contre les assauts du diable. Voilà pourquoi chacun de nous qui sommes croyants, devons aussi demeurer toujours vigilants et persévérants, « pour ne pas entrer en tentation! »