Lettre pastorale – Le 9 juillet, 2019

Évêché de Kingston
Le 9 juillet, 2019


Chers fidèles de l’Archidiocèse et du Diocèse,

Au moment d’entreprendre mes derniers mois de service épiscopal dans le diocèse de Pembroke et de commencer mon ministère dans l’archidiocèse de Kingston, je tenais à vous écrire une lettre commune. Je le fais parce que j’ai dû prendre conscience, ces dernières semaines, de la difficulté qu’il y a à servir à la fois l’Église de Pembroke et celle de Kingston, en essayant d’être présent aux événements importants dans la vie de ces deux communautés. J’espère vous envoyer une autre lettre comme celle-ci dans les mois à venir, en attendant la nomination d’un nouvel évêque pour le diocèse de Pembroke.

Le samedi 29 juin, le pape François a célébré la messe des Saints Apôtres Pierre et Paul en la basilique Saint-Pierre de Rome. Depuis maintenant plusieurs années, à l’occasion de cette messe, on remet le pallium aux archevêques nommés dans les douze mois précédents. Le pallium est un vêtement liturgique que l’archevêque porte à la messe : il s’agit d’une bande d’étoffe en laine blanche, qui symbolise le lien de l’unité et la participation de l’archevêque à la charge pastorale du Saint-Père. Cette charge pastorale comprend ce qui fait la nature même du ministère ordonné dans l’Église, à savoir le ministère de la sanctification, celui de l’enseignement et celui du gouvernement du saint peuple de Dieu.

La charge pastorale du Saint-Père joue un rôle fondamental dans notre vie de catholiques. Notre foi s’articule sur une conviction fondamentale : celle que l’Esprit Saint guide continuellement l’Église dans tous les aspects de sa vie, et notamment dans l’élection des papes. Les papes de ces dernières décennies ont été des hommes d’une grande sainteté et d’une compétence remarquable. Ils ont suivi la volonté de Dieu et ils ont guidé l’Église avec sagesse dans son pèlerinage à travers les temps troublés que connaît le monde moderne. Rendons grâce à Dieu pour ses bénédictions. Depuis 1960, trois de ces papes ont été canonisés. Les plus âgés parmi nous se rappelleront saint Jean XXIII, qui a convoqué le Deuxième Concile du Vatican (1962- 65), en mettant toute sa confiance en l’inspiration de l’Esprit Saint. Le courage et les longues souffrances de saint Paul VI ont fait traverser à l’Église une période turbulente : celle de la fin des années soixante et du début des années soixante-dix. Pendant un mois à peine, nous avons été réconfortés par le sourire chaleureux et la bienveillance du pape Jean-Paul Ier. Sa mort précoce a ouvert la voie au ministère magnifique de saint Jean-Paul II, qui a dirigé l’Église avec fermeté vers le Troisième Millénaire. Rares sont les papes qui ont autant marqué l’Église. Sa détermination à sonder les profondeurs des déclarations du Concile a donné à l’Église un corps de doctrine qui aborde les questions les plus urgentes de notre temps. Le pape Benoît XVI a servi l’Église avec une profonde humilité et une intuition perçante des mystères de notre foi. Ses homélies et son enseignement sont pour l’Église un cadeau qui lui servira pendant des siècles. Avec le pape François, le Seigneur nous a donné un Pasteur qui appelle l’Église à sortir dans le monde avec une assurance renouvelée, consciente d’avoir les assises d’enseignement et de réflexion nécessaires à la proclamation de la vérité. La beauté de son enseignement sur le mariage et l’amour humain ressort de l’exhortation apostolique Amoris laetitia (La joie de l’amour, 2016). Ce texte invite l’Église à tourner un regard missionnaire vers l’humanité et à la voir avec les yeux et l’amour du Sauveur. Je prie pour que cette conversion permette à l’Église d’annoncer pleinement la vérité de l’Évangile à toutes les générations de notre monde. Dans ce grand mouvement de l’Église vers le monde, qu’elle vit avec assurance, puissent ses prêtres et ses fidèles accompagner dans la charité et dans la vérité les personnes qui de diverses façons se sont éloignées des vrais enseignements du Christ. Que la grâce de ce discernement fasse naître dans leur cœur la beauté et la joie de l’Évangile, une compréhension authentique de ce qu’est la personne humaine et le désir d’exprimer dans le mariage la richesse de la sexualité humaine.

Chacun de ces pasteurs a joué un rôle à la fois providentiel et complémentaire dans la charge d’enseignement qui incombe à l’Église, ce magistère au service de la vérité de l’Évangile de Jésus qui s’applique constamment à discerner les besoins uniques de notre « aujourd’hui ». Les besoins de notre « aujourd’hui » se caractérisent par un clivage entre, d’une part, la vérité du projet de Dieu pour le vrai bonheur de son peuple et, d’autre part, un monde trop souvent grisé par son pouvoir et ses prouesses technologiques. Ce clivage affecte profondément les rapports de l’humanité avec le Divin. Les progrès technologiques remarquables du dernier siècle posent à l’humanité une question fondamentale : « le seul fait de pouvoir faire quelque chose nous donne-til le droit moral de la faire? » L’humanité a beaucoup de mal à affronter cette question comme il faudrait, d’où la menace persistante de destruction nucléaire, la détérioration de l’environnement, le recours à la guerre et à la violence, et la perte du sens de la dignité humaine. Il y a cinquante et un ans, saint Paul VI posait déjà la question alors que l’humanité avait mis au point une technique intrusive pour réguler la transmission de la vie. Les enseignements d’Humanae vitae (Sur l’amour humain, 1968) abordaient le noyau même du clivage entre le progrès technologique et la vérité de la sexualité humaine. L’enseignement profond de saint Jean-Paul II est venu confirmer cette doctrine. Ses écrits et ses enseignements ont donné à l’Église un message lumineux sur la dignité de la sexualité humaine et sur le mariage, tout en cernant les dangers d’un faux sentiment de liberté qui pousse l’humanité à s’éloigner de Dieu. L’enseignement de saint Jean-Paul II a donné énormément de fruit. Mais le clivage, le fossé n’a pas cessé de s’élargir dans le monde occidental, et la perte du sens de Dieu est de plus en plus prononcée dans la vie des gens. Dans ce contexte, le message du pape François, qui insiste pour que la charité accompagne la proclamation de la vérité, doit prendre de plus en plus de place dans notre démarche pastorale.

Le modèle que nous propose le Saint-Père demande beaucoup. Car il peut être très exigeant pour nous d’avancer « au large », c’est-à-dire au cœur du monde, pour y découvrir des leçons essentielles et de nouvelles formes de présence évangélique. Ce projet demande à chacune et chacun de nous de faire grandir sa compréhension et son acceptation de la vérité de l’Évangile du Christ tout en développant des habiletés qui nous permettront d’accompagner, d’écouter et de discerner avec des personnes qui ne partagent pas nécessairement les croyances de l’Église. L’accompagnement n’est pas la recherche d’un compromis; il n’est pas non plus une excuse pour rejeter de quelque façon la doctrine de l’Église. Celui ou celle qui pratique l’accompagnement doit être profondément engagé dans sa foi. Or la croissance dans le charisme de l’accompagnement est le fruit de la prière : dans la prière, Jésus nous permet de mesurer la place du péché dans notre vie en même temps que sa miséricorde vient nous consoler. La chrétienne, le chrétien qui fait l’expérience de la présence et de l’accompagnement de Jésus dans la prière est outillé par la grâce de Dieu pour accompagner, écouter et discerner comme il se doit les joies et les défis qui jalonnent notre pèlerinage commun. C’est qu’il n’y a pas de raccourcis dans ce charisme chargé de grâce.

Le récit du « chemin d’Emmaüs » dans l’Évangile de Luc illustre admirablement la leçon que le Seigneur ressuscité donne à son Église (Luc 24, 13-35). Le Christ nous montre comment accompagner, écouter et discerner avec des disciples à la foi moribonde; par sa présence et en leur expliquant l’Écriture, il les amène à croire. J’invite chacune et chacun de vous à méditer ce très beau passage et à laisser l’Esprit Saint façonner nos cœurs à l’image du Sacré Cœur de Jésus.

Dans ce contexte, je tiens à remercier les prêtres, les religieuses et les religieux et surtout les couples mariés qui vivent déjà le charisme vital mis en lumière par le pape François. Je pense aux programmes spéciaux sur le danger de l’euthanasie, au patient ministère de la catéchèse sacramentelle, au service de préparation au mariage et à la présentation de la doctrine dans nos écoles secondaires. Je remercie pour sa coopération le Conseil scolaire catholique du comté de Renfrew, qui offre ce programme.

Ce sera une grande joie pour moi, dans les mois qui viennent, d’apprendre à connaître et à aimer les paroisses de l’archidiocèse de Kingston. J’ai hâte de rencontrer personnellement les prêtres de l’archidiocèse pour que nous puissions réfléchir ensemble aux défis que pose aujourd’hui le ministère sacerdotal et pastoral, cerner les besoins et mettre au point des initiatives pour mieux servir les fidèles. Je sais que je vais bientôt découvrir la générosité avec laquelle l’archidiocèse de Kingston accueille déjà l’invitation du pape François.

Chers fidèles, dans les mois qui viennent, prions les uns pour les autres.


†Michael Mulhall
Archevêque de Kingston
Administrateur apostolique de Pembroke

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