Évêché de Pembroke
Fête du Baptême du Seigneur. Dimanche 10 janvier 2021.
“Restez éveillés!” (Mt 24, 42)
Pendant l’Avent, nous avons entendu la voix de saint Jean-Baptiste appelant l’Église à la repentance, à la conversion et au défi spirituel de redresser le chemin pour la venue du Seigneur. Chaque année, nous entendons cet appel de la Parole de Dieu qui nous invite à « rester éveillés » pour la venue du Seigneur et à être prêts à rendre compte de notre vie devant Lui à la fin des temps. Accueillir le Christ dans nos cœurs exige que nous lui ouvrions notre vie complètement et sans réserve, sachant que le Seigneur ressuscité et sa loi sont les fondements de notre véritable liberté.
Pendant que nous étions en train de vivre les jours de l’Avent dans notre propre pays, des procédures législatives ont été entreprises qui visent à étendre la portée de la loi sur l’euthanasie/le suicide assisté à ceux dont la mort n’est pas immédiatement prévisible, y compris ceux qui vivent avec une maladie mentale ou un handicap. En quelques années seulement, la course à l’extension radicale des lois sur l’aide médicale à mourir au Canada s’est déroulée parallèlement à l’acceptation et à la normalisation croissantes de quelque chose qui était impensable il y a quelques années à peine. L’aide médicale à mourir (AMM) est maintenant publiquement célébrée comme une vertu dans de nombreux articles de presse, et il n’est pas rare de voir des nécrologies publiques professer fièrement l’euthanasie/le suicide assisté comme un moyen pour célébrer la mort. Lorsque les attitudes sociétales évoluent si rapidement et si populairement, en tant que disciples du Christ, nous devons revenir à l’appel de saint Jean-Baptiste à la conversion et au repentir : « Restez éveillés !
Le bon samaritain : Témoin de la dignité de la vie
Notre Saint-Père le Pape François intervient constamment comme une voix dans le désert, appelant tous les disciples du Christ à s’opposer à l’euthanasie et au suicide assisté. En septembre, le pape François a approuvé, par l’intermédiaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, une lettre intitulée Samaritanus Bonus (Le bon samaritain) : sur les soins aux personnes dans les phases critiques et terminales de la vie. Elle peut être consultée en ligne à l’adresse suivante : vatican.va. Utilisant la parabole du bon samaritain, la lettre rappelle que l’euthanasie est un « crime contre la vie humaine », et qu’elle est donc intrinsèquement mauvaise en toutes circonstances. En outre, toute coopération formelle ou matérielle (aider à faciliter le processus d’euthanasie/suicide assisté) constitue un grave péché contre la vie humaine. De telles réalités ne doivent pas amener les croyants à se taire, mais plutôt à s’engager à nouveau dans l’accompagnement radical de ceux qui sont confrontés à une grave détresse physique et mentale, et à chercher à les soigner de toutes les manières possibles : physiquement, émotionnellement et spirituellement. Je vous encourage vivement à prendre le temps de lire Samaritanus Bonus, car face à des situations juridiques et éthiques qui évoluent si rapidement dans notre pays et dans nos familles, nous devons permettre à nos cœurs et à nos consciences d’être formés à la Loi de Dieu telle qu’elle nous est dite dans le Christ et son Église.
Samaritanus Bonus est destiné à former les membres de la famille, les professionnels de la santé et le clergé à faire face aux situations impensables qui entourent un suicide assisté imminent. La lettre indique très clairement que « la qualité de l’amour et des soins apportés aux personnes en phase critique et terminale de leur vie contribue à apaiser le désir terrifiant et désespéré de mettre fin à sa vie. Seules la chaleur humaine et la fraternité évangélique peuvent révéler des perspectives positives de soutien à la personne malade en lui offrant l’espoir et la confiance ». (SB, 10) Cette nécessité d’un accompagnement radical du malade implique que tous les efforts doivent être faits pour faire preuve d’un amour sacrificiel, apporter un réel réconfort et chercher à soulager la détresse physique et mentale. Les aumôniers et le clergé des hôpitaux sont exhortés à intensifier la formation spirituelle et morale des travailleurs de la santé, y compris les médecins et le personnel infirmier, ainsi que des bénévoles dans nos établissements de santé, afin que tous ceux qui participent aux soins des mourants puissent à tout moment être des témoins fidèles de l’Évangile de la vie.
Soins pour le corps et le salut des âmes
Tout comme le soulagement de la souffrance physique et morale est crucial au moment de prendre soin d’une personne malade, la responsabilité spirituelle de prendre soin de l’âme d’une personne l’est également. Alors que notre corps finira par mourir, l’âme est la partie la plus intime de la personne, et elle est immortelle. Les soins authentiques de l’âme ne sont pas arbitraires, mais trouvent leur plénitude dans la rencontre avec la Vérité telle que le Christ nous l’a révélée. Le pape François a pris au sérieux ce devoir en voulant s’assurer que tous les membres de l’Église soient clairement conscients que l’euthanasie est, en toute circonstance, un mal grave. Comme votre Pasteur en chef, de concert avec les prêtres de l’Église, nous avons promis de faire connaître par notre vie ce qui est inscrit dans le cœur humain et enseigné par l’Église. Alors que beaucoup chercheront à rejeter et à discréditer de tels enseignements à la lumière de l’acceptation croissante et même de la promotion de l’euthanasie/du suicide assisté, la Parole de Dieu nous a rappelé à tous, ces derniers dimanches, que nous devrons rendre compte de notre conduite devant le Seigneur. Puisque les pasteurs de l’Église sont chargés de prendre soin des âmes, nous devons nous efforcer non seulement de faire connaître l’enseignement, mais aussi les raisons pour lesquelles cet enseignement est conforme à la Bonne Nouvelle de la Loi de Dieu.
Samaritanus Bonus donne des indications pastorales très claires sur les raisons pour lesquelles les sacrements ne doivent pas être administrés à une personne qui a pris la décision de recourir à l’euthanasie. L’Église nous a toujours enseigné que le sacrement de la pénitence et de la réconciliation, l’onction des malades et le Viatique ne doivent être administrés que lorsqu’une disposition appropriée est évidente, en particulier la contrition et l’ouverture à la miséricorde de Dieu. On ne peut pas être ouvert aux grâces des sacrements tout en ayant l’intention de violer la loi de Dieu par l’euthanasie/le suicide assisté. Cela créerait une situation dans laquelle un prêtre serait incapable d’administrer fidèlement les Sacrements. Les grâces des Sacrements sont si abondantes que les ministres de l’Église ne doivent jamais renoncer à prier avec de telles personnes pour rechercher une conversion du cœur. Samaritanus Bonus affirme : « Cette position de l’Église n’est pas le signe d’un manque d’accueil envers les malades. Elle doit, en effet, être associée à l’offre toujours possible d’aide et d’écoute, toujours accordées, ainsi qu’à une explication approfondie du contenu du sacrement, afin de donner à la personne, jusqu’au dernier moment, les outils pour le choisir et le désirer ». (SB, 11)
Nous sommes maintenant confrontés à la nouvelle réalité pastorale de ce qui se passe dans la communauté chrétienne lorsqu’une personne a recouru à l’euthanasie/au suicide assisté. La manière dont la mort est survenue est souvent largement connue et même célébrée. Ces dernières décennies, nous avons peut-être perdu de vue l’objectif de la messe d’inhumation chrétienne : prier pour notre frère ou notre sœur décédé(e) et le recommander à la miséricorde et à la tendresse du Dieu tout-puissant en l’associant à l’unique sacrifice du Christ rendu présent lors de la messe. Les funérailles sont d’abord et avant tout pour les morts, et nous qui sommes laissés dans le deuil trouvons une consolation dans la grande promesse de la victoire du Christ sur le péché et la mort et la grande promesse de la résurrection du corps. C’est l’une des grandes consolations de notre foi vivante. Alors que les funérailles sont destinées à tous les pécheurs rachetés, l’Église exige également que la célébration des funérailles chrétiennes soit une proclamation de la foi et reflète la vie et la conscience de celui qui est mort. L’Église offre des funérailles chrétiennes à ceux qui sont morts tragiquement par suicide, car nous sommes incapables de comprendre l’obscurité que cette personne éprouvait et comment cette souffrance a entravé sa propre prise de décision au moment de sa mort. C’est pourquoi il y a une grande consolation à offrir des rites funéraires dans de telles situations. Cependant, la décision de mourir par euthanasie/suicide assisté est une situation pastorale très différente, car en vertu des lois de notre pays, une personne qui choisit cette méthode pour mourir – tout en souffrant sans doute – manifeste sa décision d’une manière jugée rationnelle et sincère. La douleur supplémentaire qui résulte de cette situation est que cette décision délibérée – assistée par des professionnels et affirmée par ceux qui coopèrent – entraîne une vague de scandale dans l’ensemble de la communauté des croyants. Dans de telles situations, il n’est pas possible d’offrir des funérailles chrétiennes, car une décision aussi notoire serait sans aucun doute la cause de grandes difficultés pour la communauté de l’Église. Cela n’exclut pas le besoin urgent de prier pour le défunt, mais avec une telle manifestation publique d’intention, il serait difficile pour un ministre officiel de l’Église de présier une liturgie dans une église, un salon funéraire ou un cimetière. Le pasteur des âmes devrait tout faire pour s’assurer que les messes pour les défunts et autres prières sont offertes au profit des défunts et pour la consolation des personnes en deuil.
Transformez-vous en renouvelant votre façon de penser (Rm 12, 2)
Il y a quelques années encore, nous n’aurions pas pu imaginer les vastes ramifications de ces questions touchant à la vie des familles et de la communauté de l’Église. Il faut dire clairement que dans ces circonstances pastorales, lorsque les derniers sacrements ou les rites funéraires catholiques ne peuvent avoir lieu, l’Église ne punit personne, puisque c’est le désir de l’Église que chaque âme bénéficie des grâces nécessaires qu’ils offrent.
Il est nécessaire que tous les pasteurs et catéchistes de notre diocèse commencent, dès que possible, à trouver des moyens pratiques et unifiés pour former et éduquer les consciences de nos fidèles et de ceux qui croient que l’euthanasie/le suicide assisté est une évolution positive dans nos sociétés modernes. Je vous encourage tous vivement à travailler de concert avec moi pour inverser cette tendance à la hausse, car, comme vous le savez, de nombreux catholiques y adhèrent aujourd’hui, sans se rendre compte des graves conséquences qui pourraient ultimement compromettre leur salut éternel. Par conséquent, lorsqu’il reçoit une demande pour une liturgie funéraire, qu’elle soit présidée à l’église ou au salon funéraire, en cas d’incertitude et après avoir présenté nos sincères condoléances, le pasteur ou le diacre devrait respectueusement s’enquérir de la nature du décès, afin de déterminer éventuellement s’il s’agit d’un acte d’euthanasie/suicide assisté ou non. Notre expérience à ce jour démontre que nous sommes souvent confrontés à cette vérité choquante au cours de la liturgie funéraire elle-même ou lorsqu’un membre de la famille fait un éloge inattendu au salon funéraire ou au cimetière.
Cette intervention respectueuse nous donnera l’occasion de former et d’éduquer la conscience de ceux qui ne comprennent pas le danger de l’euthanasie. Si la personne ne comprend pas le raisonnement qui sous-tend la position de l’Église, puis-je suggérer une première étape avant que vous n’ouvriez les portes apologétiques qui ne mènent souvent nulle part : inviter la personne à lire la lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi : Samaritanus Bonus (ou lui proposer une version plus simple du même texte) ? Avant la prochaine phase de discussion, priez que Dieu vous donne sa grâce pour que vous restiez toujours en paix et respectueux lorsque vous écoutez ou vous entretenez avec la personne. De nombreuses personnes ont besoin d’être écoutées avant d’accepter tout argument raisonnable ou logique, surtout en période de deuil. Après une discussion franche et polie, si la personne continue à s’opposer, une troisième étape consisterait à affirmer qu’elle doit respecter le fait que nous ne pouvons pas assurer la liturgie des funérailles à l’église ou au salon funéraire. Cela deviendrait une contradiction de nos croyances catholiques et un objet de scandale pour les communautés chrétiennes qui sont confuses lorsqu’elles entendent parler de la liturgie publique pour une personne euthanasiée à l’église ou au salon funéraire. Cela pourrait finalement amener nos fidèles à croire que l’euthanasie/le suicide assisté est désormais accepté par l’Église. Mais nous pouvons cependant les rassurer en précisant que nous continuerons à prier pour la personne décédée et pour la famille et les amis en deuil. Des intentions de messe spéciales pourraient être proposées ultérieurement pour la personne et/ou les membres de sa famille. Comme nous l’avons déjà indiqué dans cette lettre pastorale, l’intention de l’Église n’est pas de punir en donnant ces directives. Elle se fait simplement l’écho du commandement de notre Dieu-Créateur qui s’attend à ce que le respect de son infinie Sagesse et Providence pour décider qui vient à la vie en ce monde, et quand il est temps pour nous de quitter notre demeure temporelle.
Pour conclure
L’interpellation de saint Jean-Baptiste à nous repentir, à changer nos habitudes et à aplanir la route de nos cœurs pour le Sauveur n’est pas un appel réservé aux jours de l’Avent. L’appel à se conformer totalement et de tout cœur au Christ est la vocation quotidienne du disciple. Cette purification de notre esprit et de notre cœur pour vivre chrétiennement est d’autant plus difficile dans une culture influente et séculière qui cherche à conformer l’enseignement et les pratiques de l’Église à l’opinion populaire. Dans sa Lettre aux Romains, saint Paul nous exhorte à le faire :
« Je vous exhorte donc, frères, par la tendresse de Dieu, à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –, en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu : c’est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte. Ne prenez pas pour modèle le monde présent, mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. (Romains 12.1-2)
Cette année dédiée à Saint-Joseph se présente comme une occasion privilégiée pour solliciter l’intercession du « juste » qui nous montre discrètement l’exemple de la fidélité à la volonté de Dieu, même lorsque cela semble difficile. Que saint Joseph, patron d’une mort heureuse – et patron du Canada – nous aide à garder nos esprits et nos cœurs toujours éveillés et avides de la venue du Seigneur.
+ Guy Desrochers, C.Ss.R.
Évêque de Pembroke