Triduum de Saint Anne à Cormac: Ière partie de III

Mardi le 9 août 2022

Triduum de Saint Anne à Cormac: Ière partie de III

L’histoire de la dévotion à sainte Anne + Homélie du dimanche 31 juillet 2022

Le silence des évangiles

Après le nom glorieux de Marie, Mère de Dieu, le plus grand nom est Anne, mère de Marie et aïeule de Jésus-Christ. Comment cela? Parce qu’au ciel, les anges les plus parfaits sont ceux qui se tiennent le plus près de Dieu. Les lois du ciel sont les lois de la terre.

Mais comment expliquer le silence des évangiles sur la vie de Marie, de Joseph, d’Anne et Joachim? Voici quelques raisons qui pourraient expliquer cela :

  1. a) Exposer les vertus de sainte Anne auraient été au-dessus des regards portés par la foule, voire des païens. Cela aurait donné prise à des réactions d’incrédulité, de révoltes, de moqueries, de scandales ou de mépris, comme Jésus lui-même l’a enduré. Donc, pour ne pas donner prise aux blasphèmes envers sa mère ou aux vénérables parents de sa mère en livrant leur existence à une publicité importune, Dieu a fait tirer un voile discret sur l’intérieur de cette famille toute céleste. Ce qui a aussi eu pour effet d’enrayer toutes sortes de superstitions de la part des païens sur les vies plus angéliques qu’humaines de Marie, de Joseph, d’Anne et Joachim. Et l’Église des premiers siècles, devant l’imminence de ces dangers, a voulu entourer de prudence et de réserve les honneurs qu’elle rendait à la Vierge, à Joseph et aux parents de Marie.

On peut donc conclure qu’au niveau de la tradition écrite, Jésus a préféré le silence; mais la tradition orale a suppléé à ce silence calculé. Il faudra du temps, des années, avant de manifester d’une façon plus complète cet éclat.

Les écrits apocryphes

D’après les citations qu’en ont fait les Pères de l’Église, on pourrait compter plus de 60 évangiles apocryphes (du grec « apocryphos » qui veut dire « caché » ou « secret »). Mais on a probablement désigné le même sous divers noms. Quoiqu’il en soit, il nous en reste 7 à l’état complet, dont 3 sont plus crédibles que les autres : le « Protévangile de Jacques, nommé ainsi parce qu’il semble être antérieur aux évangiles; « l’Évangile du Pseudo-Matthieu », appelé aussi « Livre de la naissance de la bienheureuse Vierge Marie et de l’enfance du Sauveur »; et « L’Évangile de la nativité de Marie » qui reprend sensiblement ces deux premiers.

Il faut savoir que tous les écrits depuis le Nouveau Testament qui sont dits « apocryphes » n’ont pas été retenus par les autorités de l’Église au cours des siècles, parce que certains comportaient des erreurs théologiques, morales, historiques, géographiques, ou encore qui montraient une méconnaissance de la culture et de la tradition juive.

Pour ce qui est du Nouveau Testament, le processus de reconnaissance et de recueil a commencé au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne. Certains livres ont été reconnus très tôt, d’autres plus tard.

C’est seulement en 393 à Hippo et en 397 à Carthage que des Conciles conduits par Augustin ratifièrent le choix fait par les églises depuis près de deux cents ans en fixant officiellement la liste des livres du Nouveau Testament. Mais est-ce à dire que la non-reconnaissance officielle de l’Église des écrits apocryphes, veut dire que tout ce qu’ils contiennent est faux? Certainement pas, puisque même des pères de l’Église, ainsi que le Pape Innocent 1er les citaient abondamment dans leurs sermons ou homélies.

Plusieurs de ces écrits circulaient dès les débuts de l’Église primitive. Certains sont carrément farfelus, car elles abondent de miracles ou de faits inusités et comportent des erreurs de tout genre. Mais les trois écrits apocryphes que j’ai mentionnés tout à l’heure, sont ceux dont la crédibilité est plus solide. On y aperçoit les traces de leur présence, tout au long de l’histoire chrétienne, surtout au Moyen Âge, et dans le monde oriental plus particulièrement, dans des fresques, des sculptures, des toiles et mosaïques pour n’en citer que quelques-unes.

En entrant dans la basilique de sainte Anne, il suffit de lever les yeux pour apercevoir dans la voûte principale, l’histoire de la vie de sainte Anne, depuis sa naissance jusqu’à sa mort; sa rencontre et son mariage avec Joachim; la naissance de Marie et sa consécration au temple dès l’âge de 3 ans; son mariage avec Joseph; etc. Ces récits proviennent principalement du « Protévangile de Jacques », de « L’Évangile du Pseudo-Matthieu » et de « L’Évangile de la nativité de Marie. »

Le Protévangile de Jacques : épisodes de la vie de sainte Anne

Chose intéressante : dans les trois évangiles apocryphes les plus crédibles règnent une remarquable conformité : ainsi pour la longue stérilité d’Anne; la promesse qu’elle fait de consacrer son enfant au service de Dieu; la présentation de Marie au temple à l’âge de trois ans; l’éducation qu’elle y reçoit au milieu des Almas ou vierges d’Israël élevées dans le lieu saint; le vœu qu’elle prononce de persévérer dans la virginité; les cérémonies de son mariage avec Joseph; l’âge avancé de Joseph à l’époque de ses fiançailles. Cela signifie que si ces différents auteurs ont pu se rencontrer sur tous ces points, c’est dire que tout n’est pas assurément fiction dans ces écrits.

Le « Protévangile de Jacques » est certainement l’écrit le plus sûr des évangiles apocryphes, du moins du 1er au 12e chapitre. Le reste du récit demeure discutable et un peu farfelu, mais sous ce prétexte, ne fermons pas notre esprit à l’ensemble de son contenu, car l’histoire nous démontre qu’on a souvent recueilli des paillettes d’or au milieu d’un sable vulgaire. Voici donc un bref résumé de cet écrit :

La légende raconte que Joachim était un homme très riche, et vivait à Jérusalem. Il était pasteur de ses brebis et de ses chevreaux avec de nombreux serviteurs; il craignait Dieu en toute simplicité et bonté de cœur. Du produit de son travail, il nourrissait tous ceux qui craignaient le Seigneur. Et il offrait à Dieu de doubles dons, disant : « Que mes biens appartiennent à tout le peuple, en rémission de mes péchés devant Dieu, pour qu’il ait pitié de moi. » De tous les biens qu’il possédait et offrait, il en faisait trois part : une première aux orphelins, aux veuves, aux voyageurs et aux pauvres. Une deuxième part aux ministres du Seigneur. Et une troisième part aux membres de sa maison et pour lui-même.

Lorsqu’il eut 20 ans, il prit pour femme Anne, descendante de la tribu de Juda, de la lignée royale de David. Mais après 20 ans de mariage, ils étaient sans enfant. Certains les jugeaient sans pitié devant ce constat d’infertilité. Or un jour de fête, « Le grand jour du Seigneur », Joachim apporte ses dons au moment d’offrir l’encens au Seigneur, et un prêtre nommé Ruben lui interdit d’offrir et de présenter son offrande, parce que Dieu ne l’a maudit puisqu’il est sans progéniture.

Cet affront public humilie et attriste profondément Joachim qui sort en pleurant. Il consulte alors les registres des douze tribus d’Israël pour voir si au moins un juste aurait été privé d’enfant. Mais tous avaient eu une postérité, même Abraham et Sarah, dans leur âge avancé cependant. Joachim, découragé, décide de quitter la maison, sans même en glisser mot à sa femme Anne. Il part avec ses troupeaux et serviteurs et se réfugie dans le désert, à un mois de marche de sa maison, où il entreprend un jeûne de 40 jours, en se disant : « Je n’irai point prendre de nourriture ni de boisson, jusqu’à ce que le Seigneur mon Dieu ait jeté les yeux sur moi, mais ma prière sera ma nourriture et mon breuvage. »

Pendant 5 mois, personne, pas même Anne son épouse, n’entend parler de lui. Anne pleurait doublement : pour sa stérilité et pour le deuil de son mari qu’elle croyait mort. Elle faisait monter vers Dieu sa lamentation : « Seigneur Dieu tout-puissant d’Israël, qui ne m’avez pas donné d’enfant, pourquoi m’avez-vous aussi enlevé mon époux? »

Sa servante Judith l’humilie davantage en lui disant que Dieu avait probablement raison d’avoir fermé son sein afin qu’elle ne donne pas d’enfant à Israël. Anne va pleurer seule dans son jardin et demande au Seigneur de la bénir comme il a béni Sara, mère d’Isaac. Dans sa prière, elle rappelle à Dieu la promesse qu’elle avait faite lors de son mariage avec Joachim, le vœu de consacrer au temple le fils ou la fille qui sortirait de son sein, et ce dès son jeune âge.

Un ange lui apparait à ce moment et lui annonce qu’elle concevra et enfantera. Anne exulte de joie et lui répond qu’elle offrira cet enfant au temple dès l’âge de 3 ans pour y être consacré et servir Dieu tous les jours de sa vie. Elle ne sait pas encore que ce sera une fille. Mais elle s’inquiète encore du retour de son mari dont elle n’a aucune nouvelle. Sa servante la méprise une deuxième fois, mais sitôt après, deux anges se présentent à Anne et lui disent : « Voici que Joachim ton époux va revenir bientôt. »

En même temps, l’ange gardien de Joachim se présente à lui sous la forme d’un jeune homme, et lui demande de retourner immédiatement près de son épouse, car elle donnera naissance à une jeune fille qui sera bénie de toutes les générations, tel qu’aucune autre créature n’a été bénie de Dieu. L’Ange lui dit : « Bientôt, Anne sera mère, et elle-même sera bénie, et elle sera la mère de l’éternelle bénédiction. »

Et il ajoute : « Quand Dieu suspend les lois de la génération humaine, c’est pour mieux les manifester ensuite, et mieux montrer dans l’être nouveau qui se produit, un effet de sa divine munificence. » Il cite l’exemple de Sarah; de Rachel qui a enfanté après une longue stérilité; des parents de Samson; etc.

Joachim se prosterne et invite le jeune homme à manger avec lui dans sa tente. Ce dernier refuse en lui disant : « Notre nourriture à nous est invisible, et notre breuvage ne peut être vu par des yeux mortels. »

L’ange l’invite plutôt à offrir un agneau en holocauste, lui indiquant que c’est la volonté de Dieu. Pendant l’offrande, l’ange monte avec la fumée vers le ciel. Joachim fait part de sa vision à ses serviteurs, mais hésite encore à retourner auprès de sa femme. Dans son sommeil, le jeune homme se représente comme étant son ange gardien, et lui parle fermement en le pressant de revenir vers Anne. En parlant de sa future postérité, l’ange ajoute : « Jamais depuis le commencement du monde, les prophètes et les saints n’ont eu sa pareille, ni jamais ne l’auront. » Joachim décide alors de se mettre en route pour revenir auprès d’Anne.

(À suivre : IIème partie de III la semaine prochaine)

+Guy Desrochers, C.Ss.R.
Évêque de Pembroke


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