Enlevez vos gants de boxe !

Pour avancer, pour grandir en sainteté, pour « posséder Dieu » comme dit l’évangéliste saint Jean, il nous faut nous battre afin de mériter la palme que l’Agneau donnera au vainqueur qui aura persévéré jusqu’à la fin (Ap 3, 21). À plusieurs reprises, Saint Paul nous rappelle que nous devons « combattre le bon combat de la foi » (1Ti 6, 12).

Il semble bien que ce combat commence quelque temps seulement après la création de l’homme et de la femme, précisément parce qu’ils n’ont pas su repousser le tentateur. Dieu annonce désormais qu’il y aura une « hostilité » entre le serpent et la femme, entre son lignage et le sien (Cf. livre de la Genèse 3, 15). Heureusement, Dieu promet que la victoire finale sera remportée par la femme et sa descendance. (On devine ici que la grande combattante n’est nulle autre que Marie et sa progéniture, c’est‐à‐dire son fils Jésus unis à tous ses fidèles disciples qui constituent sa descendance).

Demeurer fidèle jusqu’à la fin suppose que nous devions nous battre contre le tentateur qui a remporté la première manche au jardin d’Éden. Depuis ce temps où l’homme et la femme ont repoussé Celui qui est Amour et Vérité, un vide s’est créé dans leurs cœurs. Il s’agit d’une absence qui fait mal, qui fait souffrir, parce qu’elle s’apparente à une mystérieuse et profonde solitude causée par le départ de Dieu : une soif d’absolu qui ne semble jamais assouvie, et que Dieu seul peut combler au fond, comme le disait si bien le grand saint Augustin dans son œuvre « Confessions ».

Le combat spirituel devient par conséquent inéluctable : puisque l’homme a librement repoussé Dieu au Jardin, librement il devra repousser Satan s’il veut retrouver cette communion originelle avec son Créateur. C’est une lutte qui devra se poursuivre jusqu’à la fin. Quel combat inégal, direz‐vous ! Et en cela, vous avez entièrement raison. Mais ce que nous oublions souvent, c’est qu’une fois notre volonté donnée à Dieu, lorsque nous lui permettons de reprendre toute la place qui lui revient dans notre cœur, il vient demeurer en nous avec ses Chérubins aux glaives flamboyants (Gn 3, 24). Notre cœur devient alors le nouveau Jardin d’Éden, et Dieu lui‐même combat en nous et avec nous pour vaincre le Serpent antique.

Comment actualiser cette réflexion dans nos vies concrètes ? Prenons par exemple les résolutions que nous prenons en Carême. Vous avez décidé de renoncer aux desserts comme moyen de mortification (et pourquoi pas pour éliminer quelques kilos en trop!). Mais voilà que deux semaines plus tard, vous n’avez pas bien dormi durant la nuit. Votre visage pâle en témoigne, et votre concentration est diminuée considérablement. Durant la journée, tout va mal. On vous humilie au bureau et une contravention vous attend sur le pare‐brise. Quand vous arrivez à la maison, le tentateur sent la soupe chaude. Il vous rappelle que vos humiliations ont créé un grand vide intérieur… et qu’un tout petit morceau de gâteau au chocolat est bien mérité et pourrait compenser pour les frustrations encourues, et que ça pourrait aussi remplir le vide intérieur qu’elles ont causé. Vous négociez, peut‐être un peu trop… et bien sûr vous succombez en prenant un petit morceau. Mais le rusé ennemi n’a pas encore achevé son plan diabolique. Au contraire, il s’amplifie tout à coup, parce qu’il vous fait maintenant réaliser que vous n’avez pas été assez fort pour tenir votre promesse de pénitence durant le Carême. Le rusé serpent a désormais réussi à introduire la culpabilité dans votre esprit et votre cœur, et voilà que vous vous sentez encore plus mal à présent!

Et voilà qu’une nouvelle inspiration du diable fait son apparition dans votre esprit et murmure : « Quant à pécher, aussi bien pécher pour la peine! » Et alors vous succombez une deuxième fois, à la différence que vous décidez maintenant de manger le gâteau tout entier! Mais la conséquence est aggravante : « Ah non ! Qu’est‐ce que j’ai fait encore! » En vous mettant en face de votre impuissance totale à vous dominer, le tentateur réussi maintenant à semer en vous le découragement, semence funeste qui a pour but ultime de vous éloigner de Dieu de votre propre chef.

Chers frères et sœurs, que faire pour éviter les pièges du tentateur?

‐ Premièrement : ne pas négocier avec le tentateur, comme Ève l’a fait au Jardin. Après avoir entendu sa voix insidieuse, elle a fait l’erreur de s’approcher plus près de lui, par naïveté et par imprudence, ouvrant son cœur à la possibilité de discuter davantage avec lui, sachant très bien qu’elle courrait un risque énorme en désobéissant Dieu.

‐ Deuxièmement : prendre un véritable temps d’intimité avec Dieu chaque jour, en lisant et en méditant la Parole de Dieu, et en demandant à Jésus de combler notre pauvre cœur malade par sa présence amoureuse.

‐ Troisièmement : à l’heure de la tentation, redire à Jésus que nous sommes trop faibles pour remporter la victoire, et que Lui seul est capable de vaincre le Malin. En d’autres mots, il nous faut apprendre à enlever nos gants de boxe et les déposer au pied de la Croix, lieu où Jésus a remporté la victoire décisive sur le démon avec la « Femme », Marie, la nouvelle Ève !

Dans l’inévitable combat spirituel que tout chrétien doit mener durant sa vie, seuls ceux qui apprennent à se confier et à s’abandonner à Dieu comme des enfants ‐ impuissants et dépendants de sa Providence et de sa Puissance  ‐ peuvent remporter la victoire contre cet adversaire qui est de bien plus grande taille que nous! Si vous désirez lui donnez un uppercut foudroyant sur le menton et le mettre KO, redites souvent au seigneur : « Viens en moi; combats pour moi; remporte la victoire sur lui, Seigneur Jésus! »

En terminant cette réflexion, mon souhait le plus cher est que Dieu vienne habiter au plus profond de chacun de nous, afin de remplir le vide et la souffrance que son absence nous cause. Qu’avec notre pauvre collaboration, il puisse livrer et remporter lui‐même la victoire sur tous les ennemis qui nous assaillent du dedans ou du dehors. Professons aujourd’hui, chers amis(es) de ne jamais plus succomber au découragement, l’outil préféré du diable qui nous ralenti ou nous empêche d’avancer sur le chemin de la perfection, qui nous mènera un jour dans la magnifique Cité de Dieu.

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