ARTICLE – La victoire de l’amour dans le jardin secret de l’âme

« Le semeur sortit pour semer. » (Mt 13,3): Ainsi commence l’une des paraboles les plus emblématiques de l’Évangile. Ce semeur ne choisit pas uniquement les terres les plus prometteuses. Il sème avec largesse, presque avec insouciance, comme quelqu’un qui croit profondément que toute terre, un jour, peut devenir fertile. Voilà l’image de Dieu lui-même : un Père qui ne cesse jamais de croire en l’homme, qui continue de semer sa Parole, même dans les cœurs les plus endurcis, même dans les lieux où tout semble stérile.

La mission d’annoncer la Bonne Nouvelle n’est donc pas suspendue aux résultats visibles. Elle ne dépend ni des saisons favorables ni de la qualité apparente du terrain. Elle repose sur une foi inébranlable : Dieu peut faire germer la vie là où tout semble mort. Dans le désert, Il fit jaillir l’eau. Dans le tombeau, Il fit surgir la résurrection.

Dans l’Évangile selon Luc, Jésus affirme : « Le Royaume de Dieu ne vient pas de manière visible. […] Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu de vous. » (Lc 17,20-21) Ce Royaume n’est pas une construction extérieure, imposée par la force ou la stratégie. Il est comme une graine invisible, plantée dans les plis secrets du cœur humain. Même lorsque tout paraît stagner, il travaille en profondeur, silencieusement.

Alors que beaucoup se découragent en voyant une société s’éloigner de Dieu, l’Évangile appelle à persévérer dans la mission. Car le Royaume est là, déjà présent dans les gestes simples, les silences habités, les paroles justes, les pardons offerts. Il est là, mais il attend un peu plus de foi pour se manifester pleinement.

Jésus disait souvent : « Ta foi t’a sauvé. » Cette foi humble, confiante, persévérante, ouvre les portes du Royaume. Elle n’est pas une construction humaine, mais une adhésion du cœur. Elle ne fabrique pas le Royaume, elle le laisse éclore.

Pourtant, la croissance du Royaume ne se fait pas sans combat. Saint Paul l’écrit sans détour : « Ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les puissances de ce monde de ténèbres. » (Ep 6,12) Il ne s’agit pas d’un combat politique ou idéologique. C’est une lutte spirituelle, souvent silencieuse, parfois épuisante, menée dans la fidélité quotidienne à la Parole. Chaque acte d’amour, chaque refus du mal, chaque pardon donné est une victoire dans ce combat.

Dans cette lutte, Jésus est notre modèle et notre force. Sur la croix, il semble perdre. Mais c’est là, précisément là, que l’amour triomphe. L’amour qui pardonne à ses bourreaux, l’amour qui ne répond pas à la haine par la haine, l’amour qui va jusqu’au bout — voilà l’arme du Royaume. Ce n’est pas un amour sentimental ou naïf. C’est un amour qui saigne, qui pleure, mais qui persévère. Un amour qui, comme le dit Paul, « surpasse toute connaissance » (Ep 3,19).

Jésus parle souvent en paraboles agricoles. Le grain de blé doit tomber en terre et mourir pour porter du fruit (cf. Jn 12,24). Il y a là une leçon profonde : la fécondité ne vient pas du succès immédiat, mais du don total, parfois caché, souvent incompris. Semer la Parole, c’est accepter cette logique.

On ne sait jamais quelle semence portera du fruit, ni quand. Mais on continue de semer. Non pas par habitude, mais par espérance. Car une seule conversion, un seul cœur ouvert, justifie toutes les heures d’efforts et de prière. « Ceux qui sèment dans les larmes moissonnent en chantant. » (Ps 126,5)

La foi chrétienne n’est pas une fuite hors du réel. Elle est plongée dans l’histoire humaine, avec ses violences, ses désillusions, ses complexités. Mais elle y voit une promesse en germe. Le monde actuel peut ressembler à une terre desséchée, mais Dieu n’a pas renoncé à lui. Et nous non plus, nous n’y renoncerons pas.

Nous croyons que dans chaque génération, il y a des cœurs fertiles. Il suffit d’un regard, d’un mot, d’un geste pour que la semence trouve un terrain accueillant. La mission n’est donc jamais vaine. Elle est participation à l’œuvre patiente de Dieu.

Le Royaume n’est pas seulement une réalité future. Il est déjà là, caché comme un trésor dans le champ du monde, comme une perle précieuse que l’on découvre parfois par surprise. Mais pour le voir, il faut des yeux de foi. Et pour le manifester, il faut des mains disponibles, des cœurs ouverts, des vies données.

La victoire est déjà acquise dans le Christ ressuscité. Mais elle attend notre foi pour se déployer. Le combat continue, et il ne se gagne pas par la force ou la ruse, mais par un amour tenace, humble et lumineux.

Ainsi, chaque semence jetée dans la foi, chaque parole partagée avec douceur, chaque silence habité de prière est une annonce du Royaume. Même sur des terres arides, car toujours — toujours — un coin de terre fertile attend la Parole de Vie.

Pierre-Alain Giffard
pierre.alain.giffard@gmail.com

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