Article – La prière et le service qui trouvent grâce aux yeux de Dieu

La prière et le service constituent deux piliers fondamentaux de la spiritualité et de la vie chrétienne. Cependant, il est essentiel de comprendre que l’efficacité de ces pratiques ne réside pas seulement dans leur exécution, mais aussi dans l’attention et l’amour avec lesquels elles sont accomplies.

Les Pères du désert, ces premiers ermites, moines et ascètes chrétiens qui vivaient principalement dans le désert de Scété en Égypte, accordaient une grande importance à ce qu’ils appelaient la « prière du cœur ». Ce concept va au-delà de la simple prière verbale pour englober un état de communion constante avec Dieu. Leur enseignement souligne que la « prière du cœur » ne se limite pas aux mots ou aux concepts mentaux, mais implique la cultivation d’une conscience permanente de la présence de Dieu. Il s’agit d’apaiser l’esprit, de purifier le cœur et de maintenir une disposition intérieure d’amour et d’ouverture à Dieu.

Saint Augustin fait écho à ce sentiment dans son commentaire sur le Psaume 33 : « La vie tout entière d’un bon chrétien n’est qu’un saint désir continuel » Ce désir de Dieu, enraciné dans l’amour, est ce qui donne à la prière sa puissance et son efficacité. Ce désir ne se limite pas à vouloir être avec Dieu dans l’au-delà. Il s’agit plutôt d’une orientation constante du cœur et de l’esprit vers Dieu dans cette vie. Cela implique de chercher à aligner sa volonté sur celle de Dieu, de grandir en vertu et d’approfondir sa relation avec Lui.

Augustin considère ce saint désir comme transformateur. À mesure que les chrétiens cultivent ce désir de Dieu, ils sont progressivement transformés, devenant plus semblables à l’objet de leur désir. Ce processus de transformation par le désir est, pour Augustin, l’essence même de la vie chrétienne.

Jésus lui-même a souligné l’importance de l’attention dans la prière dans Matthieu 6:7 : « Quand vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. » Cet enseignement souligne que ce n’est pas la quantité de mots qui importe dans la prière, mais la qualité de notre attention et de notre intention.

L’importance de l’amour dans la prière est magnifiquement exprimée par Sainte Thérèse d’Avila, qui écrivait  « L’oraison mentale n’est, à mon avis, qu’un échange intime d’amitié où l’on s’entretient souvent seul à seul avec ce Dieu dont on se sait aimé » (vida 8).

L’apôtre Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens, capture éloquemment l’essence de cette vérité : « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante » (1 Corinthiens 13:1). Bien que Paul parle ici des dons spirituels, ce principe s’applique également à la prière. Les mots prononcés sans amour, aussi éloquents ou pieux soient-ils, ne touchent pas le cœur de Dieu.

Et tout comme la prière sans amour est inefficace, le service dépourvu de véritable charité l’est tout autant. Nous nous tournons à nouveau vers les paroles de Saint Paul : « J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien » (1 Corinthiens 13:3). Cette déclaration frappante nous invite à examiner les motivations qui sous-tendent nos actes de service.

Saint Jean Chrysostome renforce cette idée dans ses homélies sur Matthieu : « Car quel profit y a-t-il à jeûner du corps, si l’on ne jeûne pas aussi de l’esprit ? Quel avantage y a-t-il à s’abstenir de viande, si l’on dévore son frère par la médisance ? » Ici, Chrysostome met en lumière la contradiction entre l’observance religieuse et le manque d’amour pour autrui.

Lorsque le service découle d’un cœur rempli d’amour, il devient une puissante expression de la foi. Jésus lui-même a donné l’exemple ultime du service aimant : « Car le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude » (Marc 10:45). Cet amour sacrificiel devient le modèle de tout service chrétien.

Le Pape Benoît XVI écrit dans son encyclique Deus Caritas Est : « La nature profonde de l’Église s’exprime dans une triple tâche : annonce de la Parole de Dieu (kerygma-martyria), célébration des Sacrements (leitourgia), service de la charité (diakonia). Ce sont trois tâches qui s’appellent l’une l’autre et qui ne peuvent être séparées l’une de l’autre. » (§25)

En conclusion, les enseignements de l’Écriture, du Magistère et des Pères de l’Église convergent tous vers cette vérité fondamentale : l’amour et l’attention sont les ingrédients essentiels qui donnent à la prière et au service leur puissance et leur sens. La prière sans amour et attention devient des paroles vides ; le service sans amour devient une simple action. Mais lorsque l’amour imprègne nos prières et nos actes de service, et lorsque nous les abordons avec une pleine attention, nous incarnons véritablement l’idéal chrétien et nous nous rapprochons de Dieu et de nos semblables.

Dans nos efforts pour aimer Dieu et le faire aimer, rappelons-nous que ce n’est pas la quantité de nos prières ou l’ampleur de notre service qui importe le plus, mais l’amour et l’attention avec lesquels nous prions et servons. Car, en fin de compte, comme nous le rappelle Saint Jean de la Croix : « Au soir de notre vie, nous serons jugés sur l’amour. »

Pierre-Alain Giffard, Directeur de la pastorale diocesaine

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