ARTICLE – Saint François a-t-il vraiment dit cela ?

On la cite à l’envi, sur les lèvres de prédicateurs, dans les ouvrages de spiritualité, jusque sur les murs d’églises : « Prêchez l’Évangile en tout temps ; si nécessaire, utilisez des paroles. » Attribuée à saint François d’Assise, cette maxime semble résumer à elle seule la sagesse franciscaine. Mais que diriez-vous si cette phrase, aussi belle soit-elle, n’était jamais sortie de sa bouche ?

C’est là que le voile commence à se lever.

Aucun texte ancien, aucun écrit authentique du Poverello ne la mentionne. Les premières biographies, rédigées par ceux qui l’ont connu de près et ont scruté sa vie comme une icône vivante de l’Évangile, ne contiennent aucune trace de cette formulation.

Et pourtant, on y croit volontiers.

Il est vrai que François incarnait l’Évangile avec une pureté désarmante : par la pauvreté choisie, l’humilité joyeuse, l’amour fraternel envers chaque créature. Sa vie fut une prédication silencieuse mais brûlante. Et pourtant… François prêchait. Et pas qu’un peu. Il prêchait sur les places, dans les villages, aux carrefours des routes, jusqu’à parler aux oiseaux si les hommes ne voulaient pas l’écouter.

Il n’était pas un mystique enfermé dans le silence, mais un témoin ardent qui brûlait de communiquer la Parole.

Alors, d’où vient cette phrase ?

Probablement d’une relecture postérieure, d’un résumé spirituel de son témoignage, plutôt que d’un souvenir fidèle. Une interprétation, non une citation. Et cette nuance est capitale.

Imaginons un instant que les apôtres aient choisi le silence.

Imaginons Paul menant une vie discrète, exemplaire mais muette. Sans lettres, sans prédications, sans débats dans les synagogues… Où serions-nous aujourd’hui ?

Nous n’aurions pas entendu la Bonne Nouvelle.

L’Écriture est limpide : « Ainsi la foi naît de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ. » (Rm 10, 17). La foi vient de l’écoute, et l’écoute suppose des mots prononcés.

Le livre des Actes, les épîtres, tout le Nouveau Testament en témoignent : la naissance de l’Église fut un jaillissement de la Parole. Les premiers chrétiens n’ont pas simplement vécu l’Évangile, ils l’ont annoncé. À voix haute. Publiquement. Sans peur.

Certes, leurs vies saintes ont confirmé la vérité de leur message. Mais c’est le message qui a fait naître la foi.

L’Évangile ne fut jamais conçu comme un secret partagé à huis clos, ni comme une sagesse muette. Il fut proclamé, dans le feu et l’Esprit.

Alors oui, la phrase attribuée à saint François touche juste dans son intention. Mais elle occulte une vérité essentielle : le Verbe s’est fait chair… et verbe.

Le silence de la sainteté ne suffit pas. Il faut que la voix s’élève. Que la parole devienne don.

La prochaine fois qu’on vous dira : « Prêchez avec votre vie ; parlez seulement si c’est nécessaire », souvenez-vous de ceci : pour les apôtres, c’était nécessaire. Pour nous aussi.

Pierre-Alain Giffard
Courriel: pierre.alain.giffard@gmail.com

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