ARTICLE – L’Évangélisation : Vivre et partager l’Amour de Dieu

L’évangélisation se trouve au cœur même de la vocation chrétienne. Elle est la mission joyeuse de faire connaître le Christ au monde — non pas seulement par des paroles, mais par des vies transfigurées par l’amour divin. Comme le rappelait le pape Paul VI dans Evangelii Nuntiandi (1975) : « Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser » (EN 14). Il ne s’agit pas seulement de transmettre des doctrines ou de remporter des débats, mais de rendre témoignage au Dieu vivant qui sauve. La véritable évangélisation est moins affaire d’argumentation que d’incarnation : devenir des vases vivants de la présence de Dieu afin que d’autres soient invités à entrer en relation avec Lui.


Le Cœur de l’Évangélisation

Le point de départ de l’évangélisation est de reconnaître qu’elle n’est pas, en son essence, une œuvre humaine, mais un travail divin. Saint Paul le rappelle : « Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé ; mais c’est Dieu qui donnait la croissance » (1 Co 3,6). Aucun discours, aucune habileté rhétorique ne peut conduire à la foi si l’Esprit Saint n’ouvre d’abord le cœur. L’évangélisation est donc profondément spirituelle, enracinée dans l’humilité et la prière.

Un obstacle fréquent réside dans ce qu’on pourrait appeler « l’esprit rationaliste » — la tendance à réduire les mystères divins à des catégories humaines. Saint Paul l’écrivait déjà : « L’homme livré à lui-même n’accepte pas ce qui vient de l’Esprit de Dieu : pour lui, ce n’est que folie ; il est incapable de le connaître, car c’est par l’Esprit qu’on en juge » (1 Co 2,14). Évangéliser, c’est donc faire confiance à l’action de Dieu plutôt qu’à nos propres moyens de persuasion. Notre rôle est d’être témoins fidèles ; c’est Dieu seul qui opère la conversion.

Cela exige aussi de se garder de l’envie et des comparaisons dans les choses de l’esprit. Le pape François a souvent mis en garde contre la « mondanité spirituelle », lorsque l’Église se préoccupe davantage de succès et d’influence que de sainteté (Evangelii Gaudium, 93). La véritable évangélisation commence quand nous déposons nos projets personnels pour nous ouvrir à la conduite de l’Esprit.


La Fondation : la Charité et l’Amour

Pour être féconde, l’évangélisation doit avoir pour fondement la charité. Saint Paul enseigne : « J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante » (1 Co 13,1). La charité n’est pas un simple sentiment, mais la vie même de Dieu en nous : un amour qui se donne, qui cherche le bien de l’autre sans rien attendre en retour.

Le Magistère de l’Église le confirme. Le Catéchisme de l’Église catholique enseigne : « La charité est la vertu théologale par laquelle nous aimons Dieu par-dessus toute chose pour lui-même, et notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Dieu » (CEC 1822). Cette vertu est le gouvernail de l’évangélisation : sans elle, le témoignage se disperse ; avec elle, chaque geste, même infime, devient un canal de grâce.

Cet amour est aussi concret et visible. Le Christ lui-même a dit : « À ceci tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jn 13,35). Les actes de bonté, de miséricorde et de patience parlent plus fort que les discours. L’évangélisation n’est donc pas d’abord un projet de persuasion, mais une incarnation de l’amour.


Une Vie de Témoignage

La crédibilité de l’évangélisateur repose moins sur ses paroles que sur le témoignage d’une vie transfigurée. Comme le rappelle le pape François : « Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ » (Evangelii Gaudium, 120). L’évangélisation commence par la conversion personnelle avant de devenir mission.

Cette transformation suppose un abandon continu à la volonté de Dieu, à l’exemple de Jean le Baptiste : « Il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue » (Jn 3,30). Seule une âme purifiée de l’ambition et de l’orgueil permet à l’Esprit de rayonner. Évangéliser avec fécondité, c’est mener une « vie irréprochable », comme exhorte saint Pierre : « Ayez au milieu des païens une vie exemplaire afin que, sur le point précis où ils vous calomnient comme malfaiteurs, ils remarquent vos belles actions et rendent gloire à Dieu » (1 P 2,12).

Ainsi, l’évangélisation ne se mesure pas en chiffres ni en apparence, mais en crédibilité. Quand les chrétiens vivent dans l’intégrité, la justice et la compassion, ils proclament le Christ plus éloquemment qu’aucune homélie. La parole attribuée à saint François d’Assise l’exprime bien : « Prêchez l’Évangile en tout temps ; si nécessaire, utilisez des mots. »


L’Évangélisation comme Invitation

En son essence, l’évangélisation est une invitation à l’amitié avec le Christ. Jésus lui-même a montré l’exemple : il n’a jamais contraint, mais il a appelé à la rencontre. Il a invité Zachée à descendre de son arbre (Lc 19,1-10), il a offert à la Samaritaine « l’eau vive » (Jn 4,1-26), il a dit simplement aux apôtres : « Venez à ma suite » (Mt 4,19).

L’Église poursuit cette mission. Comme l’enseigne le Concile Vatican II dans Ad Gentes : « L’Église pèlerine est, par nature, missionnaire » (AG 2). Cette mission n’est pas une conquête mais une communion, non pas une imposition mais une proposition. Évangéliser, c’est respecter la liberté de chacun tout en offrant la plénitude de vie en Christ.


Des Chemins Concrets pour Évangéliser

  • La Prière et les Sacrements : L’évangélisation commence à genoux. La prière nous unit au cœur de Dieu et attire la grâce sur ceux que nous voulons rejoindre. La participation à l’Eucharistie et à la Réconciliation nous nourrit et nous purifie comme témoins.

  • Le Témoignage personnel : Partager ce que Dieu a accompli dans nos vies touche plus profondément que de longs raisonnements. Comme les apôtres le proclamaient : « Quant à nous, nous sommes témoins » (Ac 5,32).

  • Les Œuvres de Miséricorde : Nourrir les affamés, visiter les malades, accueillir l’étranger… ces gestes incarnent l’Évangile. « La foi : si elle n’a pas les œuvres, elle est bel et bien morte » (Jc 2,17).

  • L’Accompagnement : Évangéliser, c’est marcher patiemment avec les autres. Le pape François parle d’un « art de l’accompagnement » (Evangelii Gaudium, 169), fait d’écoute, de respect et de délicatesse.

  • La Joie : La joie est contagieuse. Un chrétien qui rayonne la joie au milieu des épreuves témoigne de l’espérance de l’Évangile. Saint Paul exhorte : « Réjouissez-vous sans cesse dans le Seigneur » (Ph 4,4).


Conclusion

L’évangélisation n’est pas affaire d’argument, de chiffres ni de pouvoir. Elle est l’art d’incarner l’amour divin de manière à ce que d’autres puissent discerner le visage du Christ en nous. Elle est un acte spirituel, enraciné dans la prière, guidé par la charité, manifesté dans le témoignage. Ce dont le monde a besoin, ce ne sont pas d’orateurs plus éloquents, mais de saints dont la vie rayonne d’amour.

Comme le disait le pape Benoît XVI : « L’Église ne grandit pas par prosélytisme, mais “par attraction” : de même que le Christ “attire à lui” tous les hommes par la force de son amour, culminant dans le sacrifice de la Croix, ainsi l’Église remplit sa mission dans la mesure où, en union avec le Christ, elle accomplit chacune de ses œuvres dans l’imitation spirituelle et concrète de l’amour de son Seigneur » (Homélie à Aparecida, 2007).

Quand nos vies deviennent des témoignages vivants de l’amour de Dieu, nous accomplissons la mission confiée par le Christ : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Mt 28,19).

Pierre-Alain Giffard
pierre.alain.giffard@gmail.com

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