ARTICLE – Le don de l’échec : quand tout vacille, Dieu nous façonne et nous rend docile

L’échec est rarement confortable, souvent décourageant, parfois même humiliant. Et pourtant, il n’est ni étranger à l’Évangile, ni à la vie chrétienne. Notre chemin, qu’il soit de croissance personnelle, de mission ou d’évangélisation, n’est presque jamais une ligne droite. Bien au contraire, il est jalonné de chutes, d’apprentissages, de relèvements, et de recommencements. 

Lorsque nous embrassons la mission d’évangéliser, nous devons nous attendre à tomber — non pas une seule fois, mais bien des fois — et persévérer malgré tout, en laissant l’Esprit Saint tirer de nos faiblesses mêmes un fruit pour la gloire de Dieu.

Pensons à Moïse, qui, après avoir tué un Égyptien (Ex 2, 11-15), s’enfuit en exil et passa quarante ans au désert avant que Dieu ne l’appelle à libérer son peuple. Et quand l’appel survint, Moïse protesta : « Qui suis-je, pour aller trouver le Pharaon ? » (Ex 3, 11). Il manquait d’assurance, d’éloquence, et pourtant, Dieu fit de lui un libérateur incomparable.

L’apôtre Pierre renia Jésus à trois reprises (Lc 22, 61). Son échec fut public, cuisant, mais Jésus le releva par une triple demande : « Sois le berger de mes brebis » (Jn 21, 17). Le sol de son humiliation devint la terre féconde où grandirent son amour pour Jésus et son autorité apostolique.

Quant à saint Paul, ses voyages missionnaires furent souvent marqués par le rejet, les lapidations, l’emprisonnement et l’incompréhension. À Athènes, lorsqu’il prêcha devant l’Aréopage, « les uns se moquaient » (Ac 17, 32). Mais Paul ne se découragea pas. Sa persévérance porta du fruit dans des communautés chrétiennes appelées à façonner l’histoire.

Le Catéchisme de l’Église catholique nous rappelle que la vie chrétienne est un combat : « Le progrès spirituel implique l’ascèse et la mortification qui conduisent peu à peu à vivre dans la paix et la joie des béatitudes » (CEC, n° 2015). L’ascèse est cet effort constant, souvent traversé de luttes et d’échecs répétés. La sainteté ne s’acquiert pas en un jour : elle mûrit dans la persévérance, le repentir, et la grâce.

L’évangélisation n’échappe pas à cette logique. Saint Jean-Paul II, dans Redemptoris Missio, affirmait avec justesse : « L’échec humain n’est pas nécessairement un échec aux yeux de Dieu » (§ 40). La fécondité de nos efforts ne peut être mesurée à l’aune du seul succès visible, mais à celle de notre fidélité à accomplir la volonté divine.

Le pape François nous rappelle souvent, dans Evangelii Gaudium, que les évangélisateurs doivent faire preuve d’« audace et de créativité » et ne pas craindre d’« abandonner une attitude confortable où l’on se contente de dire : ‘Nous avons toujours fait ainsi’ » (§ 33). Toute démarche créative comporte une part de risque, d’expérimentation, d’essais et d’erreurs.

Cette disposition d’esprit est cruciale pour évangéliser. Toutes nos paroles ne conduiront pas à la conversion. Toutes nos invitations ne seront pas accueillies. Mais chaque rencontre nous enseigne quelque chose : mieux écouter, parler avec davantage de clarté, discerner avec plus de finesse, aimer avec plus de profondeur.

Sur le plan psychologique, la peur de l’échec peut nous paralyser. Mais lorsque nous l’anticipons, l’acceptons et en tirons des leçons, nous grandissons en sagesse et en courage.

L’histoire de l’Église regorge de saints marqués par des échecs répétés dans leur mission. Saint François Xavier parcourut l’Asie, affrontant souvent la résistance ou l’indifférence. Et pourtant, sa fidélité sema des conversions dont les fruits se font encore sentir aujourd’hui.

Saint Jean de Brébeuf, martyr canadien, œuvra durant des années auprès du peuple huron sans voir de résultats tangibles. Il mourut en martyr, et son sang devint semence de foi pour les générations à venir.

En fin de compte, la vision chrétienne de l’échec est christocentrique et cruciforme. Jésus-Christ lui-même fut « méprisé, abandonné des hommes » (Is 53, 3) ; et aux yeux du monde, la Croix semble un échec retentissant. Pourtant, dans le dessein de Dieu, elle est le chemin de la Résurrection et de la Rédemption.

Évangéliser, c’est porter sa croix. C’est accepter d’être rejeté, incompris, moqué peut-être. Mais nous ne sommes pas appelés à compter sur nos propres forces. Nous sommes appelés à témoigner, à aimer, à semer. C’est Dieu qui donne la croissance (cf. 1 Co 3, 6-7).

Lorsque nous échouons, il nous faut revenir à la prière, sonder nos cœurs, laisser le Seigneur purifier nos intentions. Parfois, l’échec ne nous appartient pas : il est simplement le mystère de la liberté humaine. Parfois, Dieu s’en sert pour nous apprendre à nous appuyer davantage sur Lui, ou pour nous disposer à une fécondité plus profonde. Nous pouvons chuter encore et encore, mais chaque tentative nous affine, approfondit notre compassion, éduque nos cœurs à l’amour. Comme Pierre après son reniement, nous sommes appelés à aimer Jésus davantage et à rassembler ses brebis malgré nos faux pas.

Accueillons l’échec. Apprenons de lui. Laissons-le nous façonner. L’échec répété est souvent le seul chemin vers un fruit véritable et durable. Ne nous décourageons jamais ! Tomber et échouer fait partie intégrante du chemin pour quiconque ose s’engager sur la voie de la conversion et de la mission.

Pierre-Alain Giffard
Courriel: pierre.alain.giffard@gmail.com

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